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ARSÈNE GUILLOT.

viendrez de la leçon. Je vous inscris mon débiteur pour onze cents francs.

— Ma tante disait que le meilleur moyen pour n’avoir pas de dettes, c’est de payer toujours comptant.

En parlant, il tirait son portefeuille pour y prendre des billets. Dans le portefeuille entr’ouvert, Mme de Piennes crut voir un portrait de femme. Max s’aperçut qu’elle regardait, rougit, et se hâta de fermer le portefeuille et de présenter les billets.

— Je voudrais bien voir ce portefeuille… si cela était possible, ajouta-t-elle en souriant avec malice.

Max était complètement déconcerté : il balbutia quelques mots inintelligibles et s’efforça de détourner l’attention de Mme de Piennes.

La première pensée de celle-ci avait été que le portefeuille renfermait le portrait de quelque belle Italienne ; mais le trouble évident de Max et la couleur générale de la miniature, — c’était tout ce qu’elle en avait pu voir, — avait bientôt éveillé chez elle un autre soupçon. Autrefois elle avait donné son portrait à Mme Aubrée, et elle s’imagina que Max, en sa qualité d’héritier direct, s’était cru le droit de se l’approprier. Cela lui parut une énorme inconvenance. Cependant elle n’en marqua rien d’abord ; mais lorsque M. de Salligny allait se retirer : — À propos, lui dit-elle, votre tante avait un portrait de moi, que je voudrais bien revoir.

— Je ne sais… quel portrait ?… comment était-il ? demanda Max d’une voix mal assurée.

Cette fois, Mme de Piennes était déterminée à ne pas s’apercevoir qu’il mentait.

— Cherchez-le, lui dit-elle le plus naturellement qu’elle put. Vous me ferez plaisir.

N’était le portrait, elle était assez contente de la docilité de Max, et se promettait bien de sauver encore une brebis égarée.

Le lendemain, Max avait retrouvé le portrait et le rapporta d’un air assez indifférent. Il remarqua que la ressemblance n’avait jamais été grande, et que le peintre lui avait donné une raideur de pose et une sévérité dans l’expression qui n’avaient rien de naturel. De ce moment, ses visites à Mme de Piennes furent moins longues, et il avait auprès d’elle un air boudeur qu’elle ne lui avait jamais vu. Elle attribua cette humeur au premier effort qu’il avait à faire pour tenir ses promesses et résister à ses mauvais penchans.

Une quinzaine de jours après l’arrivée de M. de Salligny, Mme de