Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/977

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
973
LA PHILOSOPHIE CATHOLIQUE EN ITALIE.

l’idée ; il faut donc distinguer Dieu de la création, l’être universel de tous les êtres limités. L’idée n’est ni extérieure ni intérieure ; Dieu ne doit donc être ni en nous, ni hors de nous, ni complètement distinct de notre nature, ni complètement confondu avec nous. Enfin, l’idée, bien qu’identifiée avec Dieu, n’est pour nous que l’être possible. Le Dieu-idée qui est en nous doit donc être distingué du Dieu idéal et réel qui gouverne les mondes. Il est certain que nous concevons Dieu, il est également certain que nous ne le comprenons pas ; il est sûr que l’idée est vide de toute réalité, il est également certain que Dieu existe positivement. Donc, ce Dieu qui n’est ni en nous ni hors de nous, que nous voyons sans le comprendre, n’est pour nous qu’une idée vide, négative, un infini qui commence, un Dieu négatif qui nous sert d’initiation au Dieu positif, réel, infini, que nous verrons dans l’éternité. En attendant, l’idée de l’être possible explique la pensée, elle nous fait sortir de nous-mêmes pour affirmer le monde, elle plane au-dessus de la création, et rend compte de ce passage continuel de l’être au néant, de la vie à la mort, que l’on voit dans la nature ; c’est une possibilité qui se réalise sans cesse, et comme l’univers est harmonique, l’idée du possible nous conduit à attribuer à la cause de toutes les causes des qualités aussi grandes que le possible, c’est-à-dire l’éternité, la bonté, l’immensité, l’omniscience et la toute-puissance. C’est ainsi que M. Rosmini croit vaincre le panthéisme de Bardili, Bouterweck et Schelling. Par l’élément divin de la pensée, il réfute les sceptiques ; en réduisant cet élément à l’idée du possible, il réfute les panthéistes. « Pour Platon, ajoute-t-il, la vérité résidait dans les idées, et les idées formaient autant de divinités séparées les unes des autres. Pour les pères de l’église, les idées ne sont plus que les pensées de Dieu, le verbe indivisible de Dieu ; plus tard, saint Ambroise, Sinesius Victorin, ne distinguent pas les idées divines et humaines de la lumière qui éclaire tous les hommes en ce monde. L’ontologie des anciens, qui cherchait l’être des êtres, coïncide donc avec la psychologie moderne, qui cherche le premier principe de la pensée : l’une et l’autre, par une double série de recherches et de preuves, identifient le premier principe de la raison et le premier principe de la création[1] »

Telle est la métaphysique de M. Rosmini ; elle ne saurait être plus simple ; considérée sous toutes les faces, elle ne présente que deux

  1. Voyez Nouvel essai, etc., vol. III, et l’Examen du Renouvellement de la philosophie italienne.