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problème ; mais les difficultés sont-elles donc si nombreuses que l’on ne puisse les surmonter ?

Le plus grand malheur de l’Espagne a été jusqu’ici le défaut absolu de gouvernement : les plus recommandables de ses publicistes le proclament eux-mêmes et s’empressent de le prouver, MM. Pidal, Alcala-Galiano, Donoso-Cortès, dans leurs leçons de l’Athénée, MM. Gomez de la Serna, Pacheco, Alejandro Olivan, dans leurs brochures et dans leurs livres. En vertu de quels principes fonctionnera le gouvernement, si l’on parvient à le fonder ? Dans quelles dispositions se trouvent à l’égard du nouveau régime les divers ordres et les diverses classes de la population, prêtres, nobles, bourgeois, paysans ? Quelle est la constitution de la propriété en Espagne, celle du travail, de l’industrie et du commerce ? comment réorganiser l’administration et comment la moraliser ? Comment s’y prendre pour concilier la centralisation avec les franchises provinciales ? Telles sont les questions qu’il s’agit de résoudre, et sur lesquelles il a paru déjà une foule de publications, dont nous ferons connaître les plus importantes, tout en signalant les maux de l’Espagne et les remèdes que, selon nous, il convient d’y appliquer.

Les publicistes espagnols ont parfaitement compris qu’en ce moment il faut avant tout s’attacher d’un côté à bien mettre en relief, par les plus minutieuses recherches de la statistique, l’état politique, administratif, industriel de la Péninsule, de l’autre à indiquer les améliorations spéciales dont il importe que l’on entreprenne sur-le-champ la réalisation. Il n’a paru jusqu’ici que cinq ou six ouvrages où les études qui, dans ces dernières années, se sont faites sous l’empire des idées pratiques aient laissé une trace durable ; mais ces ouvrages renferment toutes les questions actuellement agitées en Espagne. MM. Gomez de la Serna, Joaquin Pacheco, Seijas-Lozano, ont indiqué déjà les réformes que doivent subir les lois politiques et administratives, les lois civiles et criminelles, le premier dans un essai sur le droit administratif (Instituciones de derecho administrativo), le second dans ses Études sur le Droit pénal (Estudios de derecho penal), le troisième dans une Théorie des institutions judiciaires (Teoria de las instituciones judiciarias). Tous les problèmes qui, de près ou de loin, se rattachent à l’économie politique, MM. Eusebio Valle, Estrada, Joaquin de Mora, Andrès Borrego, les ont posés, et quelquefois résolus : MM. Valle et Estrada dans deux cours simultanément professés et publiés à Madrid, M. de Mora dans un Essai sur la liberté du commerce (Ensayo sobre la libertad del comercio), M. Borrego dans un livre sur les douanes de l’Espagne, l’industrie de la Catalogne et les moyens d’augmenter les richesses nationales (Principios de économia politica). Tous ces livres ont paru depuis les premiers mois de 1842, — ceux de MM. de la Serna, Seijas-Lozano, Estrada, Valle, en 1842, ceux de MM. Pacheco et de Mora, en 1843, celui de M. Borrego en 1844 : c’est à dater de 1842 que les études sociales ont pris en Espagne le plus d’importance et d’activité. Ce ne sont pas là, du reste, les seuls écrivains qui se soient préoccupés de relever l’Espagne du profond abaissement où elle est tombée par