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les plus récens. Homère, par exemple, appelle la ville de Thisbé abondante en colombes ; Strabon avait déjà relevé l’exactitude de cette désignation. N’est-il pas intéressant de voir le colonel Leake reconnaître encore au même indice la ville de Thisbé dans le village de Kakolia ? « Avant que j’eusse pris des informations sur ce sujet, dit-il, mon janissaire athénien, que je ne soupçonne pas d’avoir jamais lu l’Iliade, m’apporta en présent une paire de pigeons qu’il venait de tuer dans les rochers qui avoisinent le village. On dit que ces oiseaux, encore aujourd’hui, y sont plus nombreux que dans les environs. » Wood, après un mûr examen des lieux chantés par Homère, proclame le poète le plus fidèle des peintres. M. Leake, l’homme qui a certainement le mieux déterminé les situations des anciennes villes grecques, revient sans cesse sur cette exactitude de la poésie homérique et ne la trouve jamais en défaut ; son voyage est un perpétuel hommage à la propriété des épithètes par lesquelles Homère caractérise toutes les localités dont il fait mention dans ses poèmes.

Si le mont Olympe reçoit d’Homère les épithètes de long et d’abondant en neige, c’est que cette montagne offre en effet un sommet remarquablement étendu et plus chargé de neige que ne l’est aucune autre cime. La Phthie, patrie d’Achille, est dite par Homère une terre féconde et nourricière des hommes ; or, la Phthie, c’est-à-dire le pays situé aux environs de Pharsale, est aujourd’hui la portion la plus fertile de la Thessalie, qui elle-même, quand elle sera de nouveau grecque, sera la plus riche contrée de la Grèce. La grasse Béotie mérite encore ce nom qu’elle porte déjà dans l’Iliade. Souvent la moisson est abondante aux environs de Thèbes, quand le manque d’eau frappe de stérilité le reste de la Grèce. La plaine de Thèbes était surtout renommée, de toute antiquité, pour ses récoltes de blé ; l’auteur de l’hymne à Apollon l’appelle porte-froment. Les Thébains de nos jours, comme pour attester la vérité de l’épithète homérique, ne semblent penser qu’à semer du blé, bien que leur sol soit favorable à la culture de la vigne, ainsi qu’on doit s’y attendre dans le pays témoin de la punition de Panthée, et où est la scène des Bacchantes d’Euripide. Scyros est toujours l’escarpée, Aulis la rocailleuse, Lacédémone la creuse[1], c’est-à-dire située dans un enfoncement dominé par le Taygète, et l’aimable ; il n’y a qu’une voix sur la beauté de la plaine de Sparte. Dodone se reconnaît à ses rigoureux hivers[2], Pyrasos à

  1. La Laconie s’offre de loin sous l’aspect d’un bassin de montagnes fort élevées. — Paw, Recherches philosophiques sur les Grecs, t. II, p. 242.
  2. Cette épithète donnée par Homère aux deux Dodones convient à toutes deux.