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À l’abri de toute agression extérieure, le sultan n’avait eu d’armée jusqu’à ce jour que pour maintenir la paix publique et pour lever les impôts. L’armée marocaine se divise en troupes de l’empereur qui se nomment l’almagasen, et en troupes de pachas, dont le service est irrégulier. Les premières sont directement payées par l’empereur, les secondes par les villes de leurs districts, qui presque toujours leur abandonnent des terres, comme Sylla à ses vétérans. L’almagasen, qui, en 1789, sous Sidi-Mohamad, était de trente-deux mille hommes, n’est plus aujourd’hui que de seize mille, huit mille fantassins et huit mille cavaliers. Outre la milice du pacha, toute ville importante a une espèce de garde nationale dont fait partie, si l’on excepte les Juifs et les esclaves, quiconque est en état de porter les armes. Cette garde n’est tenue de faire le service que dans les limites de son district. Les soldats de l’almagasen reçoivent tous les ans deux chemises, deux turbans, deux paires de chaussures, un cafetan de drap rouge. Équipés et armés aux frais du sultan, ils ont de plus une paire d’environ un quart de duro par jour (un franc vingt cinq centimes). Ce n’est pas tout, le sultan, dont ils font la vraie force, leur procure toujours des profits considérables, en les chargeant d’escorter les ambassadeurs, les consuls, les voyageurs, les riches marchands. Souvent, quand il est content d’eux, il envoie des présens à leurs femmes, et, pour que l’attention leur paraisse plus délicate, il choisit le jour où ils font circoncire leurs petits garçons. Aussi l’empereur peut-il compter sur le dévouement de l’almagasen ; de mémoire d’homme on ne l’a vu tourner ses armes contre le sultan.

L’empereur entre-t-il en campagne, il mande auprès de lui les soldats des pachas ; chacun de ces soldats reçoit, si longue que soit la campagne, vingt duros pour lui-même et trois pour sa femme. Chaque pacha mobilise la garde nationale de ses villes et prévient les caïds des tribus qu’ils aient à fournir leur contingent, un homme par dix tentes, quand le sultan ne juge pas à propos de faire un appel général. Du moment où les troupes sont en campagne, régulières ou irrégulières, peu importe, toutes, jusqu’à la garde du sultan, vivent aux frais de la province qu’elles occupent. Rien de plus simple que la hiérarchie militaire ; après les pachas et leurs kalifas, les mocademes, qui sont de vrais colonels ; après les mocademes, des alcaïdes qui ont sous leurs ordres jusqu’à cinq cents hommes ; puis des alcaïdes inférieurs qui n’en ont guère que vingt-cinq ou trente. Le sultan lui-même se met d’ordinaire à la tête de ses troupes ; s’il se fait remplacer, c’est toujours par un de ses fils ou du moins par un de ses parens.

Bien traite par ses chefs, bien nourri, bien payé, le soldat marocain est soumis, intrépide, plein d’ardeur et de bonne volonté. A pied comme à cheval, il tire son coup d’arquebuse, comme autrefois le Numide sa flèche, avec une adresse, une précision incroyable ; c’est encore le cavalier des Juba et des Massinissa. Dans cet exercice militaire de l’équitation, c’est surtout leé Shilog qui excelle. Quant à l’ordre de bataille, le glorieux bulletin de l’Isly l’a déjà fait connaître à l’Europe : la cavalerie se divise en deux parties