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l’exécution de ce voyage, dont il vient de publier la relation, joignant à un journal fort intéressant un magnifique atlas composé de quatre-vingts planches dessinées sur place par M. Charles Bodmer, et gravées à la manière noire par les plus habiles artistes de Paris et de Londres.

Cet ouvrage, traité avec luxe et conscience, nous fait parfaitement connaître le cours du Missouri, et nous donne les renseignemens les plus complets sur ces vastes contrées, qui semblent devoir servir de limites aux progrès de la civilisation américaine. Là végètent les seules tribus aborigènes un peu considérables que l’occupation n’ait ni déplacées ni détruites, indépendantes de l’Américain du nord qui se considère comme le possesseur du sol, momentanément à l’abri de ses entreprises, mais décimées par les terribles maladies auxquelles le tact de la civilisation a donné naissance, et par l’état de guerre perpétuel dans lequel ces tribus vivent entre elles.

Le prince de Wied-Neuwid s’est proposé surtout, par la curieuse relation de son voyage dans l’ouest, de nous faire connaître la nature sauvage et primitive des vastes contrées qu’il a parcourues, et de nous donner un tableau fidèle des mœurs si singulières des peuplades qui les habitent, et que la civilisation n’a pas encore complètement altérées. Cette race complexe, ce peuple né d’hier, dont l’accroissement annuel et en quelque sorte quotidien semble presque fabuleux, les gigantesques progrès de cette demi-civilisation européenne, sans le trouver indifférent, l’ont moins préoccupé ; il a évidemment recueilli dans son journal les paysages du désert, les tableaux de la vie indienne, de préférence aux détails de statistique rebattus et singulièrement variables. Tout en se livrant à ses recherches de botanique et d’histoire naturelle, tout en formant les riches collections qu’il a rapportées, le voyageur n’a donc perdu aucune occasion de se mettre en rapport avec la population indienne. L’étude de ces peuplades aborigènes de l’Amérique septentrionale semble même parfois le but principal où tendent ses recherches ; il s’indigne de l’oubli dans lequel ces races sont laissées ; il sent qu’il n’y a pas de temps à perdre, plusieurs de ces peuplades n’ayant que peu d’années à passer sur la terre pour aller rejoindre ces grandes tribus naguère florissantes, les Delawares, les Natchez, les Hurons que la race conquérante a en quelque sorte effacées du sol, et dont, grace à la haine, au dédain et à la négligence du vainqueur, il serait impossible aujourd’hui non-seulement d’écrire l’histoire, mais même de retracer avec quelque précision le caractère physiologique.

On ne saurait croire, en effet, à quel point ces races primitives sont haïes ou méprisées par les nouveaux possesseurs du sol. Le prince de