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sans doute qu’il a été agréé par l’Angleterre. Il faut espérer cependant qu’il aura su concilier ses exigences abolitionistes avec l’intérêt et la dignité de son pays.

Les questions politiques ont tout à coup repris une grande importance en Espagne. A Madrid et dans le reste de la Péninsule, tous les esprits s’émeuvent encore de l’étrange concordat qui s’est conclu à Rome sur des bases complètement différentes de celles que le ministère Narvaez avait proposées. En France même, l’infant don Carlos, abdiquant ses droits à la couronne et les transmettant à son fils aîné, le prince des Asturies, vient de réveiller tous les commentaires, toutes les conjectures dont a été l’objet déjà cette grande question du mariage de la reine Isabelle. Quoi qu’en disent les journaux d’opinions extrêmes, pour tout le monde en Espagne, pour le gouvernement surtout, cette affaire du mariage est fort peu avancée encore. On le comprendra sans peine : si les divers partis dont on a parlé présentent de réels avantages, il n’en est pas un qui ne dût entraîner de graves inconvéniens, il n’en est pas un qui ne soulève des objections énergiques dont il a été jusqu’ici impossible d’avoir raison. La première de ces questions, l’affaire du concordat, est de beaucoup la plus sérieuse ; c’est du moins celle qui, en ce moment, suscite au cabinet de Madrid les plus grands embarras. Vis-à-vis de Rome, le ministère Narvaez a été, si nous pouvons ainsi parler, victime d’une illusion généreuse. En s’engageant envers le saint-siège à rendre au clergé ceux de ses biens non-vendus, en obtenant du congrès une loi qui consomme la dévolution, M. Martinez de la Rosa et ses collègues ont présenté la mesure comme un acte de justice, un devoir qu’il fallait nécessairement accomplir. Le pape s’est cru eu droit d’accepter la concession sans rien donner en retour. A ses yeux, par exemple, la reconnaissance de la reine Isabelle était une faveur, une grace, une manifestation extrêmement délicate, subordonnée aux exigences de la politique européenne : était-il donc tenu de l’accorder, par la seule raison que le cabinet espagnol revenait sur une justice qu’il eût dû réparer, alors même que la reine constitutionnelle d’Espagne n’aurait point eu à se faire accepter par l’Europe comme la légitime héritière du roi Ferdinand VII ?

Ce qui importe aujourd’hui, c’est de rendre aux négociations leur véritable caractère. Que le cabinet de Madrid fasse preuve d’énergie et de fermeté ; que, dans les communications notifiées désormais au saint-siège, il représente la dévolution et les autres avantages promis au clergé, non plus comme une obligation impérieuse, absolue, imposée à la nation espagnole par la religion et la morale publique, mais comme une mesure opportune, d’une haute convenance politique, une concession, si l’on veut, mais une concession en échange de laquelle la dignité de son pays lui ordonne d’obtenir la reconnaissance de la reine et la confirmation de la vente de tous les biens nationaux aliénés déjà ; qu’il avise enfin aux moyens de prévenir toute espèce d’intrigues, si haut placées que soient les personnes qui ont pu jusqu’ici les