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ourdir, et il peut d’avance être sûr que la cour de Rome ne s’obstinera point à lui tenir rigueur.

Ce n’est point le clergé espagnol, mais une faible partie de ce clergé, une fraction, dangereuse à la vérité, remuante, factieuse même, il en faut convenir qui, peut-être comptant un peu trop sur l’esprit de condescendance dont le gouvernement a été jusqu’ici exclusivement animé, encourage et entretient les résistances du saint-siège. Avant tout, le cabinet Narvaez doit prouver, à Madrid, qu’à son tour il saura se montrer inflexible, et bientôt on n’en doutera plus à Rome. Au fond, après tout, il ne s’agit ici ni de religion ni de dogmes ; le pape serait vingt fois plus exigeant encore, que l’Espagne n’en serait pas pour cela moins catholique, moins orthodoxe. En réalité, c’est une simple question d’économie sociale qui se débat entre le gouvernement espagnol et la cour de Rome. Que sur une telle question cette dernière soit consultée, rien de plus juste, rien de plus convenable ; mais, de bonne foi, nous le demandons, n’est-ce pas au gouvernement espagnol qu’il appartient de la trancher ?

Au moment où le concordat arrivait à Madrid, les cortès terminaient leurs travaux ; c’est au milieu de l’émotion générale que la reine a clos en personne la session législative. Beaucoup de personnes regrettent que les ministres n’aient point cherché à calmer cette émotion en exprimant, dans le discours prononcé à cette occasion par la reine, la ferme résolution de maintenir intacts l’honneur, les grands intérêts politiques de la nation espagnole, les principes qui maintenant la régissent. On a regretté plus vivement encore qu’au sujet de la loi qui rend au clergé ceux de ses biens non-vendus, le ministère ait cru devoir employer le mot de restitution. Nous sommes loin d’approuver une expression pareille ; nous croyons pourtant qu’il ne faut point s’en exagérer la portée, non plus que celle de l’omission qui est reprochée au cabinet de Madrid. Encore une fois, au point où en sont venues les choses, ce ne sont point les mots, mais les actes même qui importent ; à l’avenir, c’est surtout vis-à-vis du saint-siège, qu’il est temps d’être ferme, prudent, explicite. Tel est le seul devoir que lui imposent les circonstances ; nous croyons que le cabinet Martinez de la Rosa-Narvaez est décidé à le remplir.

Le 24 mai, immédiatement après avoir clos la session, la reine Isabelle est partie pour la Catalogne. Les travaux politiques terminés, il est naturel que la question du mariage reprenne le dessus. Il y a quelques jours, c’était le comte de Trapani que l’on donnait pour mari à la reine ; c’était là une affaire conclue entre Marie-Christine, le cabinet français et le pape ; on ne concevait même pas qu’à ce sujet le moindre doute put subsister. Un peu plus tard, toutes les chances étaient pour un prince de Saxe-Cobourg imposé par l’Angleterre, la Russie, l’Autriche et la Prusse. Presque au même instant, on affirmait à Madrid que le gouvernement ne cherchait pas le moins du monde en dehors de la Péninsule le prince qui doit associer sa destinée à