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éminens révélés par de grands travaux, par les discussions des chambres, par les succès de l’intelligence, puissent toujours être appelés à diriger les affaires publiques. Quelquefois on a essayé de suppléer à la hiérarchie par des catégories de fonctions ou de situations dans lesquelles les nominations devraient se renfermer. Cet expédient a plus d’inconvéniens que d’avantages : les catégories autorisent plus souvent les mauvais choix qu’elles ne préparent les bons, et quand il s’agit de fonctions placées, par leur importance, sous la seule garantie de la responsabilité des ministres, il ne faut point la soulager par des entraves secondaires.

Après avoir ainsi fait la part des besoins de la politique et des nécessités propres aux premiers emplois, on peut plus aisément proclamer la règle dans les fonctions inférieures. En général, plus on descend l’échelle des emplois, plus il est facile et juste de consacrer des droits et de circonscrire le territoire laissé à l’arbitraire : en effet, le nombre des candidats admissibles est en raison inverse de l’importance des fonctions. Dans les emplois intermédiaires, une aptitude spéciale est nécessaire, car il y faut agir plus que diriger, et exécuter plus que prescrire. L’abus pourrait d’ailleurs s’y introduire plus aisément à la faveur du nombre des emplois à distribuer et du peu de publicité des nominations. La constitution de l’armée nous fournit sur ce point des données précieuses. Cependant nous n’entendons point étendre à d’autres services les droits qu’elle accorde à l’ancienneté ; il faut que les nominations soient toujours le résultat d’une appréciation intelligente et éclairée. La règle doit consister en même temps dans la possession de titres ou de grades antérieurs qui établissent une présomption d’aptitude, et dans l’obligation de vérifier l’aptitude réelle par des moyens déterminés, les plus propres à la constater d’une manière exacte. A part de rares exceptions, toute nomination doit être faite dans la classe ou le grade immédiatement inférieur : cet encouragement est dû aux fonctionnaires qui ont déjà su se faire une place dans la hiérarchie, et les candidats les plus aptes se trouvent presque toujours dans leurs rangs. Toute infraction à cette règle est une exception qui a besoin d’être motivée. Enfin, parmi les titulaires du même degré, l’ancienneté doit prévaloir à mérite égal. Mais comment sera constaté le mérite ? C’est la question la plus essentielle, celle d’où dépend la bonne composition du personnel public. Cette constatation doit se faire avec soin, résulter de preuves réitérées, et pouvoir être elle-même contrôlée et vérifiée ; arrière ces jugemens qui se glissent à l’oreille, que la jalousie envenime, que la