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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/1012

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l’ordre judiciaire et l’administration départementale. Cette prétention est-elle fondée ? C’est ce que nous allons examiner. Nous parlerons en même temps d’un corps spécial de magistrature à l’occasion duquel s’élèvent des questions analogues.

Il n’est pas de carrière qui exige plus d’expérience, de connaissances générales et d’habitudes pratiques que la diplomatie, mais il n’en est pas non plus où les conditions d’aptitude soient plus relatives, qui engage de plus près les premiers intérêts de l’état et la responsabilité des ministres, qui réclame enfin plus de confiance réciproque, de communauté d’idées entre le chef et l’agent, et de sympathie dans l’obéissance et dans le commandement : on ne peut donc la soumettre à des règles étroites. L’ancienneté peut n’être d’aucune considération, et le talent même ne point suffire à telle nécessité accidentelle. Ajoutons qu’un personnel très limité ne laisserait pas toujours une suffisante latitude à des choix concentrés dans ses rangs, et que le recrutement du corps n’est point entouré, quant à présent du moins, des précautions propres à en exclure l’incapacité. On y accorde trop au nom, à la richesse, à la situation sociale, trop peu au mérite et à l’intelligence. Il faut donc qu’en dehors des cadres puissent se faire toutes les nominations commandées par l’intérêt du service. Nous n’ignorons point les abus qui ont excité de justes plaintes, les sacrifices faits à une politique corruptrice, le découragement jeté dans les rangs inférieurs ; nous condamnons des écarts déplorables, mais quel esprit sage proposerait de dépouiller l’état de ses prérogatives nécessaires, parce qu’elles ont été temporairement détournées de leur but légitime ?

Aucune de ces considérations ne s’applique aux nominations judiciaires. Les choix peuvent s’exercer dans un cercle étendu, les candidats capables sont nombreux, les fonctions à conférer exigent avant tout le caractère et l’indépendance et non la souplesse et la dextérité. Or, quel intérêt plus élevé que celui de la bonne composition de la magistrature ? De tout temps il a excité la sollicitude des organes de la nation et commandé des dispositions protectrices. On peut dire de la règle, en beaucoup de choses de gouvernement, ce que Mme de Staël disait de la liberté, que c’est elle qui est ancienne et l’arbitraire qui est nouveau. En 1356, les états-généraux, assemblés pendant la captivité du roi Jean, demandaient que les offices de justice ne fussent donnés que « par bonne et mûre délibération, en pourvoyant aux offices et non aux personnes. » L’ordonnance du 14 mai 1358 consacre ce vœu. En 1408, les offices de président et autres gens du parlement