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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/104

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REVUE DES DEUX MONDES.

la nouvelle alliance des Mèdes et des Babyloniens, conduits par Cyaxare et Nabopolassar, détermina la ruine de ce vaste et puissant empire.

Auquel de ces princes peut-on attribuer les monumens trouvés à Khorsabad ? Je dirai d’abord qu’il ne me semble pas que l’on puisse les faire remonter à la première époque de l’empire assyrien. Cette époque finit à Sardanapale, qui tomba sous les efforts réunis du Mède Arbace et de Bélésis ou Nabonassar, grand-prêtre et gouverneur de Babylone. Tous deux se promettaient de renverser sans peine un gouvernement affaibli par les débauches et l’incurie du souverain ; mais Sardanapale, réveillé brusquement au milieu de la mollesse du sérail, renonçant à ses plaisirs et à ses habits de femme, donna du moins, par sa résistance, l’exemple d’une énergie désespérée, et témoigna par sa mort d’une résignation courageuse. Il semble qu’il ait voulu racheter ainsi la honte de ses vices. Le Tigre, selon la prédiction, avait renversé ses murailles devant l’ennemi ; témoin de la prise de sa capitale et de la ruine de son empire, Sardanapale mit le feu à son palais, afin de soustraire ses richesses à la rapacité du vainqueur. Cet acte de désespoir ne mériterait-il pas à ce malheureux prince une autre épitaphe que celle que Diodore rapporte comme ayant été composée par lui-même : « Mortel, qui que tu sois, livre-toi à tes penchans, essaie de toutes les jouissances ; le reste n’est rien. Me voici cendres, moi qui fus le grand roi de Ninive ; ce que l’amour, la table, la joie me procurèrent de bonheur quand j’étais vivant, cela seul me reste maintenant dans le tombeau ; tous les autres biens m’ont quitté. »

Je ne crois donc pas, je le répète, que l’on puisse attribuer le palais de Khorsabad à un prince de la dynastie dont Sardanapale fut le dernier et infortuné rejeton, et je puis étayer cette opinion de quelques preuves. La première, c’est que, si l’on ajoute foi aux histoires qui sont arrivées jusqu’à nous, on ne peut arrêter ses idées, depuis le premier successeur du fils de Sémiramis jusqu’à Sardanapale, sur un seul prince dont la vie offre quelques faits glorieux analogues à ceux qui sont représentés sur les bas-reliefs de Khorsabad ; et si l’on veut remonter jusqu’à Ninus et Sémiramis, on se perd dans un labyrinthe de fables, où le merveilleux domine et où la réalité historique devient insaisissable. C’est après que le trône fondé par le fils de Bélus eut croulé sous la torche incendiaire de Sardanapale, et qu’une nouvelle ère eut commencé pour Ninive régénérée par Teglatphalazar, c’est alors seulement que la vérité commence à poindre et à se montrer dégagée de tous ses voiles mystérieux. On ne peut donc chercher, à mon avis, le fondateur des monumens de Khorsabad que dans cette seconde période de l’empire assyrien.