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Charmante Issé, vous nous faites entendre,
Dans ces beaux lieux, les sons les plus flatteurs ;
Ils vont droit à nos cœurs.
Leihnitz n’a point de monade plus tendre,
Newton n’a point d’xx plus enchanteurs !

Après avoir passé quelques semaines chez la duchesse du Maine, Voltaire et Mme du Châtelet retournèrent à Paris ; mais, lassés bientôt de cette vie oisive et dissipée, l’amour de l’étude, à défaut d’un sentiment plus tendre, les attira de nouveau dans leur chère retraite de Cirey. Ils partirent au mois de janvier ; la terre était couverte de neige, le froid était des plus vifs ; Mme du Châtelet aimait à voyager la nuit. Arrivée près de Nangis, sa voiture se brisa, et comme on était éloigné de toute habitation, nos deux voyageurs furent obligés d’attendre long-temps sur la grande route.


« M. de Voltaire et Mme du Châtelet, dit Lonchamps dans ses mémoires, s’étaient assis à côté l’un de l’autre sur les coussins du carrosse qu’on ’avait retirés et portés sur le chemin couvert de neige. Là, presque transis de froid malgré leurs fourrures, ils admiraient la beauté du ciel ; il est vrai qu’il était parfaitement serein : les étoiles brillaient du plus vif éclat, l’horizon était à découvert ; aucune maison, aucun arbre n’en dérobait la moindre partie à leurs yeux. On sait que l’astronomie a toujours été une des études favorites de nos deux philosophes. Ravis du magnifique spectacle déployé au-dessus et autour d’eux, ils dissertaient en grelottant sur la nature et le cours des astres, sur la destination de tant de globes immenses répandus dans l’espace ; il ne leur manquait que des télescopes pour être parfaitement heureux. Leur esprit égaré dans la profondeur des cieux, ils ne s’apercevaient plus de leur triste position sur la terre, ou plutôt sur la neige et au milieu des glaçons. »


On aime à revoir dans ce tableau Mme du Châtelet étudiant le cours des astres comme la muse antique, véritable Uranie, ainsi que Voltaire se plaît à la nommer quelquefois. Combien elle nous parait plus noble et plus intelligente en contemplant dans cette solitude les splendeurs du ciel, que lorsque dans les boudoirs ambrés de Cirey elle condescendait à entendre des chants de ce poème de Voltaire qu’on ose à peine indiquer !

On le voit, si le monde attirait Mme du Châtelet, il ne pouvait la fixer ; le goût de l’étude l’emportait en elle sur le goût des plaisirs. Chose remarquable, malgré les charmes de sa personne et de son esprit, malgré la célébrité qu’elle s’était acquise dans les sciences, elle ne pensa jamais à avoir un salon littéraire, un centre de beaux esprits, et ne partagea point à cet égard la passion de Mme du Deffant, de