Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/1063

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

progressive qu’a suivie cet heureux talent. Si le théâtre moderne de l’Italie se pouvait résumer en un seul homme, ce serait en Niccolini. Manzoni, en effet, s’est borné à deux drames, Carmagnola et Adelghis, qui n’ont point été joués, et qui restent comme des indications éclatantes, comme deux jalons lumineux, et on ne saurait dire quel effet la pratique de la scène eût produit sur le grand auteur milanais. Silvio Pellico a bien moins le nerf tragique, ainsi qu’on le peut voir dans Francesca da Rimini, Eufemio di Messina, Esther d’Engaddi, Thomas Morus. Ce que conçoit cette muse pieuse, ce n’est pas le violent combat des passions ; si elle ressent parfois quelques frémissemens patriotiques, bientôt elle revient à ses inspirations familières, à la résignation, au pardon évangélique, à une foi sans limites ; sa tragédie, c’est le simple récit des Prisons ! Niccolini, avec des facultés naturelles, n’a cessé de rechercher par l’étude les vraies conditions de l’art dramatique ; par ses tentatives multipliées aussi, il n’a cessé de s’éclairer de ces lumières qui jaillissent, pour l’écrivain, d’un contact assidu avec le public. Ses œuvres sont populaires en Italie ; quelques-unes de ses tragédies ont été jouées sur tous les théâtres, et s’y sont long-temps maintenues. Ce n’est pas seulement un poète dramatique éminent, c’est en même temps un philologue habile, un critique tour à tour éloquent et délié, un penseur droit et sévère comme le démontrent ses ouvrages en prose, l'Eloge d’Alberti, les discours sur la formation de la langue, sur le sublime et Michel-Ange, — pures qualités de l’esprit rehaussées encore par le plus noble caractère. Ainsi il est arrivé, par degrés, à cette haute renommée dont il jouit aujourd’hui. Quel nom autre que le sien pourrait-on mettre auprès de celui de Manzoni, glorieux à tant de titres ?

Giovani Batista Niccolini est né dans l’autre siècle, peu avant 1789. Vrai Toscan, pur Florentin, il est aisé de voir quel immuable attachement lui a inspiré l’Athènes nouvelle de cette autre Grèce. Comme tous les hommes du même temps, il a ouvert les yeux pour assister, jeune encore, au spectacle de toutes les extrémités humaines qui s’est déroulé pendant vingt ans. Il s’y est peu mêlé activement toutefois ; sa vie est la vie d’un savant, d’un sage, — la vie d’un poète : peut-être n’est-ce pas toujours la même chose. Le seul emploi qu’il ait occupé, je pense, est l’emploi de professeur d’histoire. Dans son entraînement naissant, il n’a pas, à l’exemple de Monti, salué tous les pouvoirs. Ses relations marquent mieux ses premières pensées : Foscolo était-il forcé de quitter Milan en fugitif, il l’accueillait à Florence et se liait avec le fougueux auteur d'Ortis d’une chaude amitié. Ce