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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/1079

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digne et pur des deux poètes, dans leur talent sérieux et élevé ! L’un en Italie, l’autre en France, ils représentent ces pensées de transaction auxquelles en appellent toujours les esprits ennemis des excès, dans les réformes littéraires comme dans les révolutions politiques. Nés presque dans les mêmes circonstances, leur vie, en avançant, semble suivre la même loi. Une conviction morale pareille les anime. L’amour du pays domine leurs inspirations et laisserait le même reflet dans leurs ouvrages, si cet éclair joyeux que le triomphe fait briller parfois au front de Delavigne n’était remplacé chez Niccolini par une constante tristesse. Les doutes, les craintes, que l’un a ressentis en présence des hardiesses littéraires excessives, l’autre les a connus. Leur existence s’est passée à rechercher le vrai point où le sentiment d’une règle supérieure se pourrait concilier avec les libertés de l’art moderne, et il ne faut pas croire que ce soit l’imitation qui ait produit ce phénomène de deux hommes semblables sous tant de rapports : il n’en est rien ; mais les mêmes questions littéraires s’agitant autour d’eux, c’est par une simultanéité naturelle que leur génie fraternel est arrivé à la même gloire par le même chemin.

Niccolini n’est point un poète lyrique dans le sens réel du mot. Ses élans passionnés, ses cris vengeurs, c’est dans ses drames qu’il les faut chercher. Rarement il s’est servi de cette forme abondante et glorieuse de l’hymne ou de l’ode si propre aux directes émanations de l’ame, au développement des pensées les plus intimes, des sentimens les plus secrets et les plus vivans du cœur qui s’abandonne à lui-même, sans s’arrêter aux limites qu’impose la peinture d’une action définie. Il n’a pas fixé en strophes harmonieuses et alternées ses impressions personnelles, ses émotions viriles, ses souvenirs et ses douleurs mystérieuses, et sa vague rêverie. Tel n’est pas le penchant décidé de son talent poétique. Pourtant, dans ses œuvres, il y a souvent la marque d’une inspiration qui pourrait se suffire à elle-même ; plus d’un passage révèle ce qu’il aurait pu en ce genre. Les chœurs de Procida l’indiquent ; ceux d'Arnaldo da Brescia le disent mieux encore. Parfois aussi, de même que Corneille peignait en passant

Cette pâle clarté qui tombe des étoiles,


il jette un regard détourné vers la nature, et laisse tomber quelques vers sur « la nuit profonde qui agrandit l’ame et attriste le cœur ; ou bien il décrit « ce lointain et vaste horizon où le ciel et la mer se