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de son talent. Poète éprouvé des premiers jours de la révolution littéraire italienne, où on le voit jouer un rôle particulier et indépendant, de ces jours où Manzoni, Silvio Pellico, cherchent hardiment des routes nouvelles, il n’a pas déserté le combat, et il se retrouve encore aujourd’hui au milieu d’une génération plus jeune qui leur a succédé et qui s’efforce de continuer leurs tentatives. — Si on jette, en effet, un coup d’œil général sur l’art dramatique en Italie depuis que l’auteur de Carmagnola est rentré dans le silence, le théâtre, on le verra, ne se résume pas tout entier dans cette naturalisation vulgaire du vaudeville et du mélodrame français habilement essayée par Romani et Bon, ou dans quelques languissantes et fades imitations de Nota et de Goldoni, ou bien dans la populaire bouffonnerie des grotesques héros de tréteaux. Il y a encore de jeunes poètes, tels que Battaglia, Revere, Turotti ; il y a des œuvres, telles que Luisa Strozzi ou le comte d’Anguissola, qui sont empreintes d’une vigueur peu commune et dénotent une réelle aptitude. Mais quelle conclusion en pourrait-on tirer ? Ces œuvres ne sont-elles pas de persistans indices bien plutôt que la réalisation de l’avenir dramatique qui semblait promis à l’Italie ? Et, à vrai dire, un temps de transition est-il propre au développement de la poésie dramatique ? Combien de causes se réunissent au contraire pour arrêter son essor !

Ce qui manque aux meilleurs de ces drames, c’est la vérité humaine, sans laquelle une œuvre tragique ne peut vivre ; ce qui manque aux auteurs, c’est la certitude, c’est une claire notion de ce qu’ils peuvent et doivent peindre. Au sein d’une semblable époque agitée par de sourds et irrésistibles ébranlemens, on peut imaginer une grande poésie lyrique se faisant l’écho des tristesses de l’ame, des regrets, des espérances, jetant un mélancolique adieu aux ruines qui tombent, ou chantant l’hymne de la réédification triomphante ; le douteux aspect de toute chose est lui-même une source nouvelle d’inspiration. Il n’en est pas ainsi de la poésie dramatique qui a un but plus certain, qui, en animant des personnages, doit reproduire leur caractère, leurs passions, leurs sentimens, dans leur rigoureuse logique, avec précision et vérité. Or, cette vérité, qui la pourra enseigner au poète ? Qu’il regarde autour de lui, et il verra de tous côtés l’effort, l’inquiétude, l’attente, le renouvellement partout commencé et à chaque pas suspendu ; ce monde lui apparaîtra comme un tableau dont l’inconstante mobilité lasse le regard, et alors, voyant que tout déjoue son observation, que pourra-t-il faire si ce n’est créer une nature humaine