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usage d’un moteur hydraulique, un canal de décharge par où les eaux s’échappent quand on cesse de les appeler sur la roue, mais ce canal ne suffit jamais pour prévenir tous les désordres. De l’établissement de ces sortes de barrages les campagnes profitent sans aucun doute, puisqu’ils leur assurent, même en été, un volume d’eau satisfaisant, et l’on peut dire que c’est en général le long de ces ruisseaux barrés qu’on trouve les terres les plus fertiles ; mais le mal est alors à côté du bien. Les inondations sont fréquentes ; après avoir fertilisé les plaines ou les vallées qu’ils traversent, ces ruisseaux les ravagent ; ils détruisent souvent ce qu’ils ont créé. C’est en ce sens qu’on peut dire que des barrages établis dans ces conditions ne sont guère utiles qu’aux établissemens industriels qui viennent y chercher des chutes.

Veut-on connaître le bien sans mélange, il faut admettre une canalisation complète ; ce qui comporte à la fois l’établissement de digues, de barrages et de passages latéraux garnis d’écluses. C’est ce que demande la navigation, mais c’est aussi ce que demandent les terres et les populations riveraines. Pour la navigation, les digues procurent d’excellens chemins de halage ; les barrages lui assurent une tenue d’eau suffisante en toute saison, et les passages latéraux facilitent la circulation des bateaux que des barrages inflexibles eussent arrêtés. Est-il besoin de montrer que les populations et les terres obtiennent des mêmes travaux des avantages correspondans ? Seulement les terres demandent quelque chose de plus ; il faut que les digues offrent de distance en distance des percées régulières, par où l’on puisse à volonté appeler l’eau dans les campagnes voisines, car, s’il est bon que ces campagnes soient préservées des inondations des rivières, il ne l’est pas qu’elles soient privées du bienfait de leurs irrigations. A côté de l’intérêt de la navigation et de celui de la culture est toujours l’intérêt non moins recommandable de l’industrie, qui trouve à chaque barrage, et dans la chute qu’il engendre, une force motrice à bon marché.

Quand on considère attentivement les avantages de toute nature qui découlent du simple fait de la canalisation d’une rivière, on ne comprend guère qu’il y ait pour un pays un travail plus utile, une entreprise plus féconde, plus digne à tous égards d’éveiller la sollicitude de ceux qui le gouvernent, et l’on veut mal au peuple assez peu soucieux de ses intérêts pour négliger de tels travaux. Est-il besoin de montrer que ce tort nous appartient ? Il s’est fait peu de chose en France pour atteindre en général ce grand et digne objet de la