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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/1127

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distribution régulière des eaux sur la surface du sol, et en particulier pour l’amélioration de nos rivières. Si quelques-unes sont dans un état convenable, combien d’autres qui roulent à travers le territoire avec toutes les inégalités, tous les désordres de l’état sauvage ! Faut-il le dire, la plupart de nos voies d’eau naturelles ont été plutôt gâtées qu’améliorées par les travaux d’art exécutés le long de leur cours. Qui le croirait, si ce fait n’était pas attesté par des témoignages irrécusables ? nos rivières sont en général moins navigables qu’elles ne l’étaient du temps des Romains. Combien de fois aussi n’a-t-on pas fait cette autre remarque, que les inondations sont devenues plus fréquentes et plus terribles ! Sans vouloir rapporter à une seule cause ce qui dérive sans doute de plusieurs, signalons ici en passant la funeste influence de la plupart de nos ponts. Tous ces ponts, avec leurs arches étroites, engendrent des courans rapides que les bateaux franchissent difficilement à la remonte, et qui ne sont pas sans dangers à la descente. En outre, l’existence même des courans prouve que l’écoulement de l’eau n’y est pas libre ; de là des engorgemens à la moindre crue, et par suite des inondations. Qu’on examine si les ponts en pierre qui traversent la Seine dans Paris ne sont pas tous plus ou moins dans ce cas : obstacles pour la navigation, sources d’inconvéniens et de dangers pour les populations riveraines. Il en est d’autres pourtant auxquels cette double observation s’applique encore mieux. Qui ne sait, par exemple, que le pont de la Mulatière, au confluent de la Saône et du Rhône, celui que le chemin de fer de Saint-Étienne traverse pour entrer dans la presqu’île de Perrache, a été la principale, sinon l’unique cause des terribles inondations qui ont désolé la vallée de la Saône et Lyon[1] ? Tout le monde connaît aussi, au moins de nom, le fameux pont Saint-Esprit, sur le Rhône, ce pont dont la célébrité est égale à celle des plus redoutables écueils de l’Océan. C’est ainsi que des travaux d’art mal entendus, au lieu d’augmenter les avantages naturels que nos voies d’eau nous procurent, les ont plutôt amoindris. Et il est remarquable que les mêmes erreurs, les mêmes fautes qui nuisent à la navigation, causent aux propriétés riveraines un tort semblable, tant il est vrai qu’à tous égards ces intérêts sont solidaires.

Il y a du reste dans notre système hydraulique un autre vice plus grave, et qu’il est malheureusement plus difficile de corriger : c’est

  1. Quand nous y passâmes au mois d’avril de l’année dernière, on s’occupait d’en agrandir les arches.