Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/1132

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

non pas rares, où un canal emporte dans son passage les eaux stagnantes des marais ! Ce n’est plus alors une conquête relative qu’il opère, en augmentant les facultés productives du sol cultivable ; c’est une conquête absolue, puisqu’il livre à la culture des terres qui se dérobaient à son action, sans compter qu’avec les eaux stagnantes des marais, il emporte aussi les miasmes pestilentiels et les maladies dont ils sont l’inévitable source. Souvent la construction d’un canal est le meilleur, l’unique moyen d’assainir une contrée, et cette seule considération suffit pour en justifier l’établissement, sans aucun égard même pour tous les autres avantages qu’il procure. Combien de pays neufs, où les maladies engendrées par la terre, bien plus que le climat, déciment les hommes ! Combien d’autres qui dévorent en peu de temps toutes les populations qu’on leur envoie ! Veut-on les rendre habitables, qu’on y construise des canaux. Et croit-on par hasard qu’il existe beaucoup de pays en Europe qui, dans une mesure quelconque, n’aient encore besoin d’un tel secours ?

Sans nous appesantir sur les services si nombreux et si divers que les canaux peuvent rendre, considérons-les seulement par rapport à la France comme moyens d’irrigation, puisque c’est là leur caractère le plus général, et arrêtons-nous un instant sur cette donnée.

Il n’y a pas un seul canal régulier, de quelque façon qu’on le dirige, dans quelque intention qu’il soit construit, qui ne devienne forcément pour les terres riveraines un moyen d’irrigation dont l’énergie est proportionnée à la richesse de l’alimentation et à l’abondance des eaux. Pour que le canal arrose une campagne, il suffit en effet qu’il la traverse. C’est bien à tort qu’on a voulu à cet égard établir des catégories, faire des distinctions, séparer les canaux d’irrigation des canaux navigables : ces distinctions sont purement imaginaires. Tout récemment, quand il a été question dans quelques écrits, et même au sein des chambres, des travaux de canalisation actuellement entrepris par la Belgique, le canal de la Campine ayant été nommé entre plusieurs autres, on a prétendu que ce n’était pas là un travail du même genre que les autres ; que ce n’était pas une voie navigable, mais un canal d’irrigation destiné à porter les eaux de la Meuse dans les plaines arides de la Campine. Que le canal de la Campine soit un canal d’irrigation, nous le croyons sans peine ; qu’il ait été plus particulièrement conçu et exécuté dans l’intention d’améliorer la culture de ces campagnes infertiles, c’est possible ; mais qu’importe ? en est-il moins navigable pour cela ? Si le canal de la Campine a été particulièrement construit en vue de l’irrigation, ceux qui avoisinent