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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/1133

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le littoral de la mer en Belgique ont été construits presque tous pour dégager le pays des eaux surabondantes et les déverser dans la mer. En sont-ils moins pour cela des voies très navigables ? en sont-ils moins de puissans moyens d’irrigation pour les campagnes voisines, et, de plus, d’excellens aqueducs pour les populations ? En France, dans l’arrondissement de Dunkerque, le plus riche de tous en canaux, il n’y en a pas un seul qui n’ait eu pour objet primitif, comme ceux du littoral de Belgique, le dégorgement des eaux surabondantes dans la mer. Telle en est encore aujourd’hui la fonction essentielle, et, quoiqu’ils soient en grand nombre, ils ne suffisent pas toujours à la remplir. Est-ce à dire qu’ils laissent pour cela de rendre les mêmes services que des canaux construits à d’autres fins ? Le canal de l’Ourcq est avant tout un aqueduc, puisqu’il a eu pour objet primitif d’amener de l’eau pour l’approvisionnement de Paris cesse-t-il pour cela d’arroser les terres qu’il traverse ? En est-il moins navigable ? C’est qu’en effet toutes les fonctions des canaux se lient d’une manière étroite, et, quelle que soit la pensée qui en ait motivé la construction, ils rendent toujours les mêmes services.

Il n’y a guère à cela qu’une exception : c’est le cas où un canal passe dans la terre, sous une voûte ou bien à une profondeur considérable. Il semble qu’alors l’unique emploi qui lui reste soit de transporter les bateaux. Il n’en serait pas de même s’il passait au-dessus de la terre, porté sur un aqueduc à une certaine élévation ; dans ce cas même, en effet, si l’alimentation en était suffisante, il ne cesserait pas de féconder les terres riveraines, soit à l’aide de conduits d’eau qui s’en détacheraient, ou seulement par des infiltrations. C’est donc uniquement lorsqu’il passe dans les profondeurs de la terre que le canal est exclusivement une voie navigable ; mais ces cas sont rares ; ce sont des exceptions qui ne se rencontrent même que pour des fractions minimes, et qui ne détruisent pas l’utilité générale de l’ouvrage. Tel est, par exemple, le canal de Saint-Quentin, qui passe sous une voûte dans une partie de son parcours ; ce qui n’empêche pas qu’il ne soit ailleurs un auxiliaire utile de la culture. Le voyageur qui se dirige sur Cambrai le reconnaît de loin aux arbres plus élancés, à la verdure plus fraîche, aux riantes maisons et aux belles usines qui en couronnent les bords.

Il faut reconnaître après tout que les canaux n’ont, à cet égard, qu’une puissance d’emprunt. Les eaux qu’ils répandent dans les campagnes, ils les reçoivent des rivières ou des ruisseaux. Aussi l’existence de ces voies artificielles est-elle subordonnée à celle des cours