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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/1134

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d’eau naturels, dont elles sont une dépendance. De là vient qu’en bonne logique la canalisation des ruisseaux, et surtout des rivières, doit précéder la construction des canaux proprement dits. Sans cette précaution nécessaire, l’ouverture de ces derniers serait même souvent impossible ; du moins trouverait-on plus difficilement et plus rarement des eaux suffisantes pour les alimenter. Cela dit, nous demanderons s’il existe un autre système meilleur, plus régulier, plus efficace, pour répandre dans les campagnes le superflu des eaux que les cours naturels fournissent.

Nous avons admis tout à l’heure que, les rivières une fois canalisées, on trouverait à chacun de leurs barrages une force suffisante pour élever les eaux sur les plateaux voisins ; mais comment y répandre ces eaux sans en laisser perdre la vertu fécondante, et surtout sans bouleverser les moissons ? Ce ne sera pas à coup sûr en les versant brutalement à travers les champs ensemencés ; elles emporteraient avec elles ou les moissons, ou les semences ; au lieu de fertiliser les campagnes, elles les ravageraient. Sera-ce au moins par des coupures ? Oui, mais à certaines conditions. Et d’abord ces coupures seront fixes et non sujettes à se déplacer à volonté ; autrement, elles porteraient dans les champs l’anarchie et le désordre, et les eaux seraient bientôt l’objet d’un gaspillage affreux. De plus, ces coupures auront une pente, afin que le liquide se porte en avant ; et toutefois cette pente sera régulière et douce, autrement on y verrait l’eau se précipiter en torrens, sans laisser presque aucune trace de son passage. Ce n’est pas même assez ; si douces que fussent ces pentes, l’eau s’écoulerait encore trop vite ; elle n’aurait pas le temps d’humecter la terre ; elle produirait à peine quelques fruits. Il faudrait donc encore des moyens de la retenir, de la ménager, de la parquer pour ainsi dire, afin de lui faire produire, dans son passage, tous ses résultats utiles, c’est-à-dire qu’il faudrait la soutenir par des barrages. Qui ne voit enfin qu’il ne pourrait être question d’établir ici des barrages fixes, puisqu’alors l’eau deviendrait stagnante et se corromprait par un séjour trop prolongé, mais des barrages mobiles qui permettraient de renouveler le liquide régulièrement en temps utile ? Or, nous ne connaissons pas pour cet objet de meilleurs barrages mobiles que les écluses. C’est dire assez que ces coupures, pour remplir convenablement l’objet proposé, devraient encore réunir toutes les conditions des canaux. Elles les rappelleraient d’autant mieux qu’une administration prévoyante devrait, pour s’épargner les travaux et les soins, procéder par grandes coupures, suffisamment larges et profondes pour contenir un notable