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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/1135

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volume d’eau, sauf à accorder aux propriétaires riverains, dans une certaine mesure et avec quelques réserves, la faculté d’en détacher, chacun pour son usage, de faibles filets. C’est ainsi que, n’eût-on en vue que le seul intérêt de la culture, c’est encore par l’établissement de véritables canaux qu’il faudrait procéder.

Ce n’est pas qu’à la rigueur l’irrigation des terres ne puisse être faite à d’autres conditions, et nous en connaissons quelques exemples ; mais on peut affirmer hautement que tout autre système, outre les désordres qu’il fait naître, exige, pour donner des résultats équivalens, une dépense d’eau incomparablement plus forte. Pour s’en convaincre, il suffirait de considérer, par exemple, ce qui se passe dans une certaine partie de la Limagne d’Auvergne, vers Riom et Clermont. Là plusieurs ruisseaux qui descendent des montagnes, ou qui jaillissent des sources, servent tour à tour à faire mouvoir des roues hydrauliques et à arroser les prés. Pour remplir ce dernier objet, on y a établi d’ancienne date un mode de distribution assez ingénieux, quoique relativement barbare. À certains momens prévus, le cours du ruisseau est barré, alors s’ouvrent de petites vannes latérales par où l’eau s’échappe dans les prés. Bien qu’elle y coule généralement par des rigoles, que chaque propriétaire y a pratiquées pour cet usage, on a soin qu’elle déborde pour que son effet s’étende ; souvent même elle coule en larges nappes, c’est une véritable inondation. Après un certain parcours, elle est ramenée plus bas vers le ruisseau qui l’a produite. L’action de cette eau étant intermittente, il faut qu’elle coule long-temps, par exemple toute une nuit, pour produire son effet utile, et, comme la course en est rapide, on peut imaginer combien il s’en dépense dans cet intervalle de temps. Inutile de dire qu’en dépit des précautions qu’on peut prendre, les chemins vicinaux souffrent d’un tel déchaînement des eaux, et que ce ne sont pas là les seuls désordres qui s’ensuivent. Nul doute qu’après tout ce système d’irrigation ne produise d’excellens effets. Il convertit les terres riveraines des ruisseaux, terres qui sont d’ailleurs naturellement fertiles, en prés magnifiques et d’un admirable rapport ; mais aussi quelle effrayante consommation de ce précieux liquide que la France a tant d’intérêt à ménager ! Si l’on comparait ce mode d’irrigation à celui qui est produit, par exemple, dans l’arrondissement de Dunkerque[1]

  1. Il existe dans l’arrondissement de Dunkerque une institution empruntée autrefois à la Hollande et à la Belgique, et qui est unique en France : c’est la Société dite des Wateringues. Comme l’indique le nom flamand qu’elle porte, cette société a pour objet de pourvoir à l’aménagement des eaux. Elle se compose de tous les propriétaires de terres, qui contribuent à l’exécution des travaux hydrauliques par des cotisations annuelles, proportionnées à l’importance de leurs propriétés. La plupart des canaux dont ce pays est coupé en tout sens ont été exécutés.aux frais de cette société ou avec son concours.