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y étant abandonnées généralement à des compagnies exploitantes, on y a perdu de vue trop tôt les bienfaits de toute nature que ces voies répandent sur le pays, pour les considérer exclusivement comme des valeurs financières, sources de revenus commerciaux. La Belgique et la Hollande, au contraire, pays très bas et souvent exposés, surtout vers le littoral de la mer, à être couverts par les eaux, ont été fréquemment rappelés, par leur situation même, à des sentimens plus justes. Les premiers travaux qui y ont été exécutés en ce genre sont des canaux d’épuisement, destinés à verser le superflu des eaux dans la mer. Dans cette prévision, on y a créé d’ancienne date d’excellentes institutions, dont nous avons vu une imitation et comme un reflet dans une contrée de la France voisine de la Belgique, et placée à certains égards dans une situation semblable. Il semble que ces premiers canaux, commandés par la nécessité, et dont l’unique but était le desséchement des terres, aient, en multipliant leurs services au-delà des espérances qu’ils avaient fait naître, donné comme l’avant-goût de ce que ces utiles créations pouvaient produire, et encouragé de semblables travaux là même où une nécessité impérieuse ne les commandait plus. Toujours est-il que ces deux pays ont persévéré dans la voie féconde où ils s’étaient engagés. Ils présentent aujourd’hui un système de canalisation supérieur à celui de tous les pays du continent.

La Belgique ne paraît pas avoir perdu l’excellente tradition qu’elle s’était faite. Quoiqu’elle possède déjà un ensemble de canaux très respectable, elle n’en poursuit pas moins son œuvre de canalisation avec une ardeur réglée et une persévérance infatigable. Il semble que l’esprit des sociétés particulières instituées pour le régime des eaux ait passé dans le gouvernement et dans les chambres. Malgré l’achèvement complet du chemin de fer national, quoiqu’il semble que rien ne manque plus désormais pour faciliter les communications régulières dans le pays, les travaux de canalisation suivent leur cours toutes les voies d’eau naturelles ou artificielles se perfectionnent, s’achèvent ou se complètent. Chose étrange ! pendant que la France, qui n’a pas encore de chemins de fer, dont le système de canalisation est à peine ébauché, paraît accueillir, sur la foi de quelques bravades irréfléchies, l’idée barbare de l’abandon de ses rivières, de l’abandon de ses canaux, la Belgique, si bien pourvue quant aux deux modes de transport, s’impose en faveur de ses voies d’eau de nouveaux sacrifices. C’est qu’on a compris dans ce pays, par l’expérience qu’on en a faite, la merveilleuse utilité de ces travaux.

On a dit, en parlant de la Belgique, que si, lors de la création des chemins de fer, les canaux n’avaient pas existé, si le gouvernement