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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/1160

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Christine elle-même manifeste, dit-on, le désir de revenir en France, du moins pour quelque temps ; elle comprend que le pays devient défiant à son égard, et elle ne voudrait pas nuire à la jeune reine en voulant trop la servir. Dans cet état de choses, un mariage viendrait bien à propos. Si intelligente qu’elle soit, la reine Isabelle est bien jeune pour porter toute seule ce fardeau d’une couronne. Or cette question est, plus peut-être que toute autre, hérissée de difficultés. Parmi les prétendans, il n’en est pas, à vrai dire, un seul qui plaise à la fierté espagnole. Le dernier des fils de la maison de Cobourg, le plus jeune des frères du roi de Naples, le simple fils de l’infant don François de Paule, tout cela paraît bien peu de chose à l’Espagne. Ce peuple si fidèle à ses souvenirs se dit que lorsque la première Isabelle s’est pariée, son époux lui a apporté pour dot un royaume, et il lui semble que lorsqu’on est la reine de toutes les Espagnes, on est en droit de prétendre au moins à la main d’un autre Ferdinand. Rien n’est plus arriéré et moins constitutionnel que cette idée, mais elle n’en est pas moins dans tous les esprits. Le jour où la reine se mariera, quel que soit celui qu’elle épouse, on peut être certain que le peuple espagnol sera mécontent. Tous les rêves qu’on a faits sur une grande alliance devront s’évanouir, et le passage de la poésie à la prose, du vague à la réalité, est toujours désagréable. Nouvel embarras pour le ministère, nouvelle difficulté. S’il se tire de toutes ces épreuves, nous en serons heureux, car nous croyons que depuis long-temps une pareille réunion d’hommes éclairés et vraiment libéraux n’avait présidé aux destinées de l’Espagne ; mais nous avons peine à l’espérer.



Notre mission de Chine fait un heureux emploi de ses loisirs. Une excursion intéressante aux établissemens hollandais de Java a rempli le temps qui devait s’écouler jusqu’au retour du traité envoyé en France pour y être soumis à la ratification du roi. Nous avons sous les yeux quelques documens recueillis pendant le séjour de nos équipages à Batavia, et qui forment une relation complète de ce curieux voyage. Ces documens nous montrent la colonie hollandaise sous ses deux principaux aspects, d’abord à Batavia, au centre de son activité commerciale, puis dans l’intérieur de l’île, en présence des populations indigènes.

Partie de Singapore le 23 mars, la Cléopâtre, accompagnée de la Victorieuse, laissait tomber l’ancre le 1er avril en rade de Batavia. L’Alcmène, ayant à son bord les délégués du commerce français, avait précédé de peu de jours dans cette rade les bâtimens qui amenaient à Java M. de Lagrenée et le contre-amiral Cécille. Le 2 avril, l’ambassadeur et le contre-amiral se rendaient à terre, où ils recevaient des principales autorités de la colonie l’accueil le plus cordial. Le soir même, un bal splendide inaugura dignement