Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/1161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les fêtes qui devaient célébrer le séjour de la mission française à Batavia ; mais l’hospitalité hollandaise ne s’en tint pas là, et, peu de jours après, le gouverneur-général, M. Reyns, recevant le contre-amiral Cécille dans sa résidence de Buitenzorg, lui faisait une offre séduisante, qui fut accueillie, comme on le pense, avec empressement. Il s’agissait d’une tournée dans l’intérieur de l’île, et deux généraux hollandais, qui connaissent parfaitement le pays, MM. Cochins et Vanderweck, se chargeaient de tracer au contre-amiral un itinéraire qui lui permît de voir en peu de jours ce que la colonie offre de plus intéressant. La sympathie que témoignait une réception si courtoise s’explique par une cause qu’il n’est pas inutile de rappeler : plusieurs officiers supérieurs de la colonie ont servi dans la marine ou dans l’armée française, au temps des guerres de l’empire ; ils avaient à recevoir dans nos marins, non pas des étrangers, mais des frères d’armes.

Après être retourné à Batavia, où il avait quelques ordres à donner, le contre-amiral Cécille s’embarqua le 12, avec son adjudant, M. Reille, sur le bateau à vapeur la Reine des Pays-Bas. Quarante-trois heures après, il était à Samarang. Les préparatifs de son voyage avaient été faits comme par enchantement. Traîné sur de belles routes par de petits, mais vigoureux chevaux, et par des centaines d’hommes stationnés d’avance, quand il s’agissait de franchir des gorges ou de passer à gué des rivières dont les ponts avaient été rompus, précédé par un piquet de cavalerie, accompagné par les maîtres de poste à cheval, le contre-amiral trouvait à chaque relai une musique javanaise et des rafraîchis se mens. Il arriva bientôt à Magallan, chef-lieu de la province de Kadoc, une des plus petites, des plus peuplées et des mieux cultivées de Java. Près de Magallan s’élèvent les temples de Boro-Bodor et de Manidut. Une demi-journée fut consacrée à examiner ces monumens de l’antique civilisation qui régnait dans ces contrées avant que l’islamisme y apportât le despotisme et l’ignorance. Boro-Bodor est surtout remarquable par ses proportions colossales et l’originalité de sa construction. De l’éminence sur laquelle il s’élève, on découvre un vaste horizon circonscrit par les nombreux volcans qui jadis fertilisèrent ce pays, et dont le Mérapi conserve seul aujourd’hui quelque activité. Le temple de Manidut, récemment découvert sous une colline d’où il a été dégagé, est moins imposant peut-être que Boro-Bodor, mais d’une architecture plus harmonieuse. Malheureusement les nombreuses commotions des volcans voisins ont ébranlé ce bel édifice, qui ne sera bientôt plus qu’un monceau de ruines.

Le lendemain de cette visite à Boro-Bodor, l’on se mit en route de très bonne heure : les voyageurs approchaient de Djocjokarta, ancienne capitale des sultans de l’île. L’habitation de M. Roedenberg, inspecteur des cultures, se trouvait sur leur route. Ils y déjeunèrent à la hâte ; le propriétaire, M. Roedenberg, homme fort aimable et passionné pour la France, offrit à ses hôtes un souvenir précieux, deux manuscrits javanais trouvés, il y a peu d’années, dans, une grotte à six mille pieds de profondeur. L’un de ces manuscrits est