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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/1162

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un traité de théologie, l’autre contient des pièces de théâtre ; tous deux sont en langue sanscrite. On fait chaque jour de pareilles découvertes à Java ; ces documens, interprétés par la science, pourront jeter quelque lumière sur l’histoire ancienne de l’île.

L’amiral et sa suite arrivèrent à Djocjokarta par une longue et magnifique avenue de banians centenaires, qui annonce dignement une grande capitale. Djocjokarta a été de tout temps le siège du gouvernement des sultans ; elle est de plus un chef-lieu de résidence, et c’est encore là qu’habite aujourd’hui le représentant humilié de l’ancienne puissance déchue, qui reçoit du gouvernement néerlandais une pension mensuelle de 40 à 45,000 guilders. Tenu en chartre privée, le sultan n’en paraît pas moins fier de porter sur sa poitrine l’ordre du Lion de Hollande. C’est encore par le prestige de l’autorité du sultan, et de quelques autres princes également pensionnés, que les Hollandais exercent leur pouvoir sur ces provinces conquises. Un seul cri aux armes ! prononcé par les princes, mettrait le pays en révolution, comme cela eut lieu en 1830 ; mais le sultan et les autres chefs indigènes n’auraient pas, pour soutenir une guerre de cinq ans, les moyens dont disposaient leurs prédécesseurs ; ils savent qu’à la première tentative de rébellion, ils iraient indubitablement rejoindre en exil à Amboine et à Ternate ceux dont ils occupent aujourd’hui paisiblement la place.

Le jour où l’amiral arrivait à Djocjokarta était l’anniversaire de la naissance du sultan. Il y avait le soir même grande fête à la cour. En attendant l’heure de se rendre à cette fête, où il avait été invité avec toutes les autorités du pays, l’amiral alla visiter le Kraton. On appelle ainsi un grand carré entouré de hautes et épaisses murailles, et dont l’intérieur est divisé par des murs qui forment des compartimens affectés chacun à une destination particulière. C’est dans cette enceinte, qui n’a pas moins de trois milles de circuit, qu’est le palais du sultan, et qu’habitent les familles attachées à son service ainsi qu’à celui des princes. On a compté jusqu’à quinze mille individus vivant dans l’intérieur du Kraton. Cette place, merveilleusement disposée pour la résistance, a été, pendant la dernière guerre, défendue par les Javanais avec un acharnement qui tenait du fanatisme ; elle a été prise et reprise plusieurs fois, et les Hollandais y ont éprouvé des pertes énormes. Non loin du Kraton est Besar-Gédé, qui en est pour ainsi dire une dépendance. On y arrive par une grande place ouverte d’un côté, et qui sert de marché. C’est une suite de petites cours entourées de hautes murailles, et où l’on ne pénètre que par des portes étroites, précédées chacune d’un escalier. Ces cours renferment les tombeaux des personnes de marque et des princes. Les tombeaux des sultans sont réunis sous un grand hangar, qui couvre presque entièrement la cour la plus reculée et la plus solitaire. C’est un lieu sacré aux yeux du Javanais, et plus d’un combat acharné a été livré pour le défendre. Sur la place du marché, on remarque une multitude d’enfans des deux sexes que la superstition des parens y conduit chaque jour, et aussi un