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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/1166

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correctement écrits. Ceux-ci satisfirent à ce désir bienveillant, et se rendirent ensuite chez le prince Mangkoénégoro, qui les reçut à la tête de son état-major, composé en grande partie de ses parens, tous en grande tenue. Plusieurs des officiers du prince portent des décorations hollandaises gagnées sur le champ de bataille. Mangkoénégoro n’est pas marié ; son luxe est tout militaire et consiste dans un grand nombre de très beaux chevaux.

Le soir, un dîner somptueux réunit à la résidence, outre les voyageurs français, les personnes les plus considérables du pays, le prince Mangkoénégoro et quelques officiers de la maison de l’empereur. Ce dîner fut suivi d’une soirée dansante, à laquelle Ponoto-Gomo, qui aime la société, vint prendre part. Il se retira fort tard et engagea l’amiral à aller voir sa maison de campagne à Karta-Soura. L’amiral y consentit, quoique cela l’éloignât un peu de sa route. La maison de campagne de l’empereur contient, comme son palais de Solo, un grand nombre de tableaux français. On remarque un salon où les portraits de tous les maréchaux de l’empire sont réunis comme pour tenir compagnie au portrait de Napoléon. De Karta-Soura, les voyageurs allèrent coucher à la sous-résidence de Salatiga, où il y a un fort et une garnison assez nombreuse. Le lendemain, ils étaient à Ambrava, où ils rejoignirent M. de Lagrenée, qui, parti le 10 de Buitenzorg, avait parcouru une autre partie de l’île. Ambrava est une place fortifiée très importante, à laquelle on travaille depuis plusieurs années. Les constructions intérieures, — c’est-à-dire les logemens de l’état-major général, des officiers, des troupes, l’hôpital, les magasins et les écuries, calculées pour recevoir quatre mille hommes et deux cents chevaux en temps de guerre, — sont achevées. Elles ont été exécutées sur une vaste échelle et avec un luxe d’architecture extraordinaire. Il reste à faire les fossés et les terrassemens, qui sont à peine indiqués. Mille à douze cents travailleurs y sont occupés journellement, et, quoique les travaux soient poussés avec activité, on pense qu’il faudra encore deux ou trois ans pour les achever. Bâtie au milieu d’une plaine marécageuse, dans la partie centrale de Java, cette forteresse sera inabordable par trois de ses fronts ; le quatrième, faisant face à des hauteurs éloignées, pourra seul être attaqué, et c’est de ce côté que doit être la principale défense. Mais quand on réfléchit que pour réduire cette place il faudrait de la grosse artillerie, quand on se rend compte des difficultés que présenterait le transport de cette artillerie depuis la côte jusqu’à Ambrava par un terrain coupé de rivières, de marais et de gorges profondes, on en vient à reconnaître que cette citadelle est inattaquable autrement que par la famine. Un puits artésien, qui donne en abondance une eau légèrement minérale, a été percé au milieu de la forteresse.

Depuis quelques années, les Hollandais s’occupent sérieusement de compléter le système de défense de Java. Des sommes considérables sont votées chaque année à cet effet, et les fortifications d’Ambrava ne sont pas le seul ouvrage important qui soit en construction. Sourabaya doit devenir une place forte de premier ordre, qui renfermera la ville dans son enceinte.