par l’abolition des vieilles formules péripatétiques que Gassendi détruit dès 1690 en continuant la doctrine des atômes d’Épicure, et lui prêtant une réalité chimique et un sens chrétien. Viennent ensuite dans la sphère morale le doux sensualiste Shaftsbury, Wolff qui prêche en Allemagne la morale de l’utilité, Franklin qui la popularise en Amérique, et tous les disciples de Locke. Vauban, l’abbé de Saint-Pierre, Quesnay, Adam Smith, les économistes, appliquent les mêmes idées et les mêmes vues à la politique et à la théorie de la richesse. L’inoculation est apportée en Angleterre par lady Montagu ; les essais de la machine à vapeur par Watt coïncident avec les expériences sur les aérostats, l’électricité, le galvanisme, et le mull jenny d’Arkwright, la découverte de l’oxygène et des gaz, les observations microscopiques de Spallanzani, celles de Galvani et de Volta, et le commencement de celles de Gall. Enfin, pour l’utilité de l’homme, on attaque et poursuit la nature de tous les côtés. Lord Brougham a donc raison contre ceux qui l’accusent d’avoir donné aux sciences positives trop de place et de valeur ; c’est M. Schlosser qui a eu tort de ne pas leur en donner assez. Cet instinct de la réalité, si vif chez lord Brougham, lui apprend que, sans le portrait exact des hommes qui agrandirent la science physique au XVIIIe siècle, on ne peut donner de ce siècle une idée vraie ; mais il a le tort de s’enfermer dans ses partialités, et d’exiler du tableau Spallanzani et Volta, Franklin et Lavoisier, pour s’occuper seulement de Black et de Simson, qu’il place sur le piédestal.
Il y a dans le choix de ces notices jetées au hasard beaucoup de bizarrerie et de caprice ; cependant, comme lord Brougham a connu Davy, Cavendish et Simson, ses pages sont précieuses. Si l’on n’y voit pas indiqué le progrès des sciences physiques et mathématiques pendant le XVIIIe siècle et leur marche à travers le monde, on admire l’amour de l’auteur pour la science, le culte qu’il professe pour la civilisation, et la verve avec laquelle il reproduit ses souvenirs. Il ne parle qu’avec un respect qui approche de l’idolâtrie de Landsdowne-House, où le gaz hydrogène a été découvert. Il se rappelle avec émotion les belles leçons de Black, ce maître « à la parole si pure, si nette, si parfaitement lucide, aux tempes à vives arêtes et couronnées de mèches d’argent, qui tenait de la main droite un tube à l’ouverture étroite, de l’autre un vase sans bec rempli d’un liquide bouillant dont il faisait tomber de très haut, avec une délicatesse incomparable, un filet mince qui entrait dans le tube, sans qu’une goutte se perdît pendant que le chimiste, tout en procédant à l’opération, démontrait la