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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/135

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nécessité de proportionner l’élévation du vase au diamètre du tube. » Dans ces descriptions et ces souvenirs, lord Brougham développe sans charlatanisme, sans efforts et sans vains ornemens, son intelligence sincère et véhémente. La vie de Watt, de Davy, de Cavendish, offre plusieurs morceaux de ce genre, et depuis que la machine à vapeur est devenue le lieu commun de la rhétorique moderne, on n’a rien écrit de plus puissant et de plus vif que la description de cette invention dans la vie de Watt.

Les Hommes d’état, les Hommes de science au dix-huitième siècle, quelque incoomplète qu’en soit la série, méritaient d’être traduits à cause des souvenirs personnels dont ils sont remplis, souvenirs qui jettent sur les notices de Roberston, Davy et Black, un vif intérêt. Notre Lavoisier y est lestement traité, cela est vrai, mais nous ne manquons pas non plus de controversistes, et M. Arago se serait margé de la défense. On peut trouver encore que si le docteur Schlosser exagère l’importance de ses Allemands, de Matthison et de Thomasius, lord Brougham a une prédilection excessive pour ses whigs, s es chimistes et ses Écossais. L’historien Robertson, déprécié par M. Schlosser, se relève et devient un dieu dans les pages de lord Brougham. Hume, dont le docteur fait l’un des penseurs les plus remarquables de tous les temps, est réduit par le ci-devant grand-chancelier aux proportions plus modestes d’un historien sans exactitude et d’un écrivain chimérique.

L’origine de ces dissidences tient aux généalogies intellectuelles de ces hommes célèbres et de leurs juges. Hume, jacobite sceptique, métaphysicien indolent, a dû trouver grace près du philosophe germanique, tandis que le whig Robertson, calviniste et mêlé aux affaires de son pays, provoquait l’indulgence et le panégyrique de lord Brougham. Il y a là deux injustices ; malgré ses inexactitudes de détail, Hume a conservé les grandes masses, et même les profondeurs austères de la vérité historique ; un instinct sûr et prompt, joint à l’indépendance de son esprit, lui indiquait les calomnies dont les tories vaincus avaient à se plaindre, et qu’il s’est plu à venger. Avoir osé dire ce que tous les esprits sages reconnaissent aujourd’hui, que Charles Ier n’était pas un monstre ni Strafford un instrument servile, que le catholique Jacques II avait ses vertus et la protestante Élisabeth ses défauts, c’est ce que lord Brougham le whig a peine à pardonner au tory Hume, qui, ne demandant rien aux ministres whigs de l’époque et n’attendant rien d’eux, s’est donné le malicieux plaisir de les convaincre d’erreur dans une narration admirablement tissue,