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le linge sale du roi, et s’amuser à le chatouiller ; ce qui leur causait de grands transports et des éclats de rire sans fin. »

À la cour de Madrid, Swinburne voit le roi passer la journée à dormir, la reine à préparer un puchero, l’infant don Gabriel à fabriquer une machine, et don Antonio, l’autre infant, à remplir de sable une charrette à bras qu’il traînait ensuite. Aucune méchanceté, pas même de malice, dans ces observations de Swinburne. Et que pouvaient donc faire, qu’allaient devenir, en face du monde qui changeait, ces derniers fils des races féodales ? Sans le droit et la force de l’épée, dans quelle poussière allaient tomber leurs titres dus à l’épée et consacrés par le combat ? Cette oisiveté royale, cette habitude séculaire des plaisirs sensuels, à quels résultats allaient-elles aboutir ? A Naples, ou se passaient les plus étranges épisodes de ces saturnales de la royauté absolue qui s’en allait, Swinburne s’arrête long-temps, étonné du lazzaronisme princier de ces cours, d’ailleurs pleines de bonhomie et parfaitement exemptes de cruauté dans leurs travers. Les peuples ne sont guère opprimés entre 1775 et 1789 : c’est le mépris qui a écrit l’épitaphe de la monarchie en Europe.

De temps à autre, un ou deux Anglais des classes inférieures tombent au milieu des fêtes du Pausilippe, et servent à l’amusement du roi, de la reine, des maîtresses, des favoris et de tout ce joyeux monde. « Miss Snow, que l’on nomme à Londres Bière forte, et qui pèse cent tonneaux, s’est mise à danser de tout son pouvoir avec ce M. Spence que vous connaissez, et qui n’entame pas de contredanse sans les plus belles contorsions de polichinelle. Le roi s’amusait prodigieusement, battait des mains, criait bravo, et se tordait de rire. Le monsieur voyait bien qu’on riait de sa danseuse, et miss Snow s’apercevait que son danseur avait beaucoup trop de succès ; mais chacun, ignorant qu’il contribuait à l’amusement universel, faisait part aux assistans de ses observations sur la partenaire et le partner ; ce qui rendait la scène infiniment plaisante. » La figure la meilleure est celle du nain Galiani se moquant de Tanucci et de la marquise de San-Marco, et de la Rocca, et de tout le monde. Plus bas encore, au-dessous de la cour de Naples, se place la cour de Turin, « qui semble peuplée de gens de Lilliput. Le roi est si timide, qu’il ose à peine regarder quelqu’un en face, et qu’il s’est éclipsé quand il nous a vus. Le prince de Piémont semble parfaitement usé, pâle, mince ; un souffle l’emporterait et le détruirait. Il semble que la sève et la force aient disparu de tous ces vieux rameaux. » Mais la maison des Stuart était plus dégénérée encore