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Le 6, nous transportâmes nos pénates au centre même des ruines, dans ce quartier de Vijayanagar qui conserve encore son ancien nom de Hampi. C’est une grande rue qui se termine au temple de Viroupascha, à quelques mètres de la rive méridionale du Tombouddra. Les tigres étant fort nombreux, nous nous installâmes dans une galerie au premier étage, qui paraissait avoir appartenu à un palais, avec un balcon donnant sur la rue. Notre premier soin en arrivant fut de faire les arrangemens nécessaires pour garantir les chevaux et le troupeau contre les attaques des bêtes féroces durant la nuit ; D’une part, on éleva une palissade ; de l’autre, on prépara des broussailles pour tracer un cordon de feu ; enfin, nos armes restaient chargées. Ces précautions, loin d’être inutiles, n’étaient pas même suffisantes dès le premier soir, un chien et une chèvre furent enlevés ; mais, les jours suivans, des coups de fusil tirés à chaque instant au hasard, des boîtes et des bruits de toute espèce éloignèrent ces visiteurs incommodes.


II.

Une origine mythologique, des légendes recueillies dans les deux épopées de l’Inde, le Ramayana et le Mahahbarata, ne sont pas les seuls titres qui recommandent à l’attention du voyageur les ruines de Vijayanagar. D’autres souvenirs se rattachent à cette ville, et il ne sera pas inutile de faire connaître ce que nous sommes parvenu à découvrir de l’histoire réelle, mais comparativement moderne, de l’empire dont Vijayanagar a été la capitale pendant deux siècles, empire qui a retenu le nom et une partie de la splendeur de la vieille cité long-temps encore après la destruction de celle-ci.

On manque de documens indous sur l’histoire des temps antérieurs à la conquête de l’Indoustan[1] par les armées mahométanes. Ou les Indous n’étaient pas dans l’usage d’écrire l’histoire de leur pays, ou, s’ils avaient des annales, elles furent détruites par les pandits ou sous-traites à tous les regards. Les seuls témoignages qu’on possède sur

  1. Nous prenons ici le mot Indoustan dans son sens général, comme désignant tout le continent compris entre l’Indus, le Barrampouter et le cap Comorin. Dans le sens particulier, il ne s’applique qu’à la partie septentrionale de l’Inde entre le Thibet et la Nerbudda. De même, le mot Dekhan, pris dans le sens général, s’applique à toute la partie méridionale de l’Inde au-dessous de ce fleuve ; mais, dans le sens particulier, il ne convient qu’au pays situé entre la Nerbudda et le Kistnah. Au-dessus de cette limite, c’est proprement le Carnate.