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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/166

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cette époque se trouvent dans le Mahahbarata, poème historique de la plus haute antiquité, écrit en langue sanscrite, mais dont on ne peut consulter les traditions qu’avec une grande réserve. Si le père de la poésie grecque a totalement changé l’histoire d’Hélène pour donner une libre carrière à son imagination, qui peut nous garantir l’exactitude des faits rapportés par un autre poète, surtout quand ce poète est un Indien ? C’est aux écrivains persans que nous sommes redevables de la portion la plus authentique de l’histoire ancienne de l’Inde. Le célèbre Mahomed-Férihstha, qui résuma, au commencement du XVIIe siècle, tous les matériaux recueillis par ses prédécesseurs, en a bien composé une première histoire de l’Indoustan, mais on ne peut guère y attacher de crédit que pour la période postérieure aux premières conquêtes des mahométans, vers l’an 1000, et dans cette période même, il ne nous entretient guère que des empires de Ghisni et de Delhi, jusqu’au commencement du XIIIe siècle. Tout le vaste espace dont il néglige de parler n’avait point cessé d’être divisé en plusieurs royaumes, dont chacun eût exigé une histoire particulière, et Ferishtah ne mentionne les évènemens qui s’y passèrent qu’autant qu’ils se rattachent aux progrès du peuple conquérant. L’histoire du Dekhan est plus obscure encore que celle de l’Indoustan, parce que les invasions des mahométans y furent plus tardives. Elles commencèrent vers l’an 1300. Il est donc inutile de chercher quelque document authentique sur un peuple ou sur une localité au-dessous du Kistnah antérieurement à cette date ; c’est aux légendes et aux traditions locales qu’il faut s’en rapporter.

Les légendes suffisent heureusement pour jeter une glorieuse auréole sur le site enchanteur et les admirables ruines de Vijayanagar. Ces ruines s’élèvent dans un site consacré par la religion des Indous depuis des temps immémoriaux. C’est en quelque sorte le mont Olympe de leur mythologie. S’il faut s’en rapporter aux admirables chants du Ramayana, ce lieu aurait été pendant des siècles le séjour du grand Rama (une incarnation de Vishnou ), de sa femme Leila, et de son frère, de son fidèle compagnon, l’héroïque Lachsman. A la place occupée par les ruines modernes s’élevait autrefois la fameuse cité de Cishcindya, dont la souveraineté fut si furieusement contestée par les célèbres satyres Sougriva et Vali, comme nous l’assure Valmiki dans un des chapitres de son Ramayana. Toutes ces légendes accumulées sur une même localité l’avaient faite sainte entre toutes, et encore aujourd’hui c’est un but de pèlerinage qui ne le cède en rien à la fameuse pagode de Jaggernauth.