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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/167

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Les avantages attachés à une position inexpugnable expliquent encore mieux que la célébrité des lieux le choix qu’on en fit pour y construire une métropole. Belaldéo, qui vint s’y établir en 1344, était un des nombreux chefs indous dont les possessions avaient été ravagées en 1322 et en 1326 par le fameux Cafour, général d’Allah, empereur pathan de Delhi. Ce chef (Belaldéo), qui, par ses talens militaires et ses succès contre les Pathans, était parvenu à ranger sous sa loi tout le pays entre le Kistnah et la côte de Coromandel, avait néanmoins compris, après les désastres de ses premières guerres, la difficulté de résister à un ennemi dont la principale force était dans une innombrable cavalerie. Sur un rayon de plusieurs lieues, dans toutes les directions autour du temple, déjà fameux, de Viroupacsha, il trouvait une succession continue de positions militaires admirablement calculées pour la défense. C’était une montagne surgissant derrière une autre montagne, une crête après une autre crête, comme des vagues de granit séparées par d’étroites vallées, et formant des retranchemens naturels que l’art humain n’aurait pu surpasser. Vers le centre de cet espace, les ondulations du sol disparaissaient et permettaient d’y créer de nombreux étangs, où des travaux d’art devaient amener, par mille canaux, les eaux du Tombouddra. Enfin, cette noble rivière traversait déjà la ville, mais en bondissant sur des cataractes de rochers qui en interdisaient la navigation, de sorte que, tout en fournissant aux besoins de la cité, elle devait encore ajouter à sa force.

Quand Belaldéo revint, en 1344, de son expédition contre les Pathans, Viroupacsha (c’était l’ancien nom de la ville) ne manquait point d’une certaine importance, et comptait déjà six enceintes tracées à différentes époques d’accroissement ; Belaldéo en ajouta une septième, la plus gigantesque et la mieux conservée de toutes, bien que toutes se retrouvent encore, et fit de cette résidence sa capitale, en prenant lui-même le titre de Vijaya, Dwaja, Raja, d’où sa métropole reçut le nom de Vijayanagar. Le sceptre resta deux siècles dans sa famille, jusqu’à l’extinction de ses héritiers directs ; mais leur puissance leur survécut, et passa à une branche collatérale qui transporta le siège de l’empire à Chandeghery, trente lieues plus au sud. Celle-ci régna encore cent ans avec une splendeur presque égale à celle de la première dynastie.

L’empire du Carnate, de Vijayanagar, ou de Narsinga (car il est également connu sous ces trois noms), au moment de sa plus grande prospérité, c’est-à-dire en 1500, s’étendait du cap Comorin, sur la