Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On remarque aussi un ancien gymnase, un réservoir pour les ablutions pieuses, cinq tours en spirales, une piazza où se tenaient les gardes de la cour, enfin des écuries pour les éléphans de service, construites avec une magnificence toute royale et surmontées d’un vaste dôme. Dans quelque sens que vous fouilliez sur un espace de dix lieues la triste forêt qui a successivement envahi toutes ces merveilles, vous trébuchez à chaque pas sur des temples et des palais. Un grand nombre de ceux-ci étaient souterrains, mais les passages qui y conduisaient sont obstrués de débris. Quelques travaux suffiraient pour les dégager et mettre au jour des trésors.

N’oublions pas le palais d’Achyuta-Raja, dans le quartier du même nom. Il est moins bien conservé que celui de Crishna-Raja. On y trouve cependant une remise pour les chariots, d’un beau travail de maçonnerie, une salle du conseil, deux pavillons de plaisance, et la tour en spirale qui marque la résidence d’un prince. On y voit aussi un salon de bain entouré d’une galerie partagée en plusieurs compartimens ; le plafond et les murailles en sont encore coloriés. Montez de cette galerie par un escalier tournant sur la terrasse qui la couronne, et vous verrez à vos pieds, non plus la fameuse cité de Vijayanagar, célébrée dans la tradition et la légende, la capitale de souverains dont l’autorité s’étendait sur la moitié de l’Indoustan, et dont l’amitié était recherchée par les plus puissans princes de l’Asie, mais de vastes ruines, d’immenses édifices mutilés par le sabre musulman et défigurés par la main du temps ; l’ombre et le tombeau d’une gloire qui n’est plus !

Nous avions à peu près complété nos recherches après vingt jours d’études, de fouilles parmi les ruines, et de conversations plus ou moins sérieuses avec les brahmines que l’accomplissement d’un vœu ou d’un pèlerinage amène encore à chaque instant de toutes les distances au temple de Viroupacsha. J’avais aussi obtenu des renseignemens précieux du jeune descendant des souverains de Vijayanagar, dont la royauté en guenilles ne m’effrayait plus. Bien que j’évitasse soigneusement de le blesser, en employant dans mes rapports avec lui toutes les formules respectueuses dues au titre qu’il revendiquait, quelques services que j’avais eu occasion de lui rendre me permettaient de le traiter sur le pied de l’amitié, sinon de l’égalité. Je lui avais donc proposé de se joindre à une expédition que nous avions projetée pour le 23 mars, et qui devait être le prélude d’une guerre acharnée contre les rois du désert. C’était une chasse au tigre