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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/192

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été fortement critiquée. Pour défendre cette création, on prétend qu’elle a pour but d’associer l’élément civil à l’élément militaire dans l’administration de la colonie. Nous craignons bien que l’on n’ait abusé ici de la confiance de la chambre, et que l’on n’ait déguisé sous l’invocation d’un principe, d’ailleurs fort sage, une mesure inutile, inspirée par des motifs très secondaires. Néanmoins la mesure est votée ; nous verrons maintenant les grands effets qu’elle produira.

L’administration de la guerre ne se maintient pas toujours dans les bornes d’une stricte légalité. Par exemple, elle ne respecte pas toujours les règles de l’avancement. La tribune a révélé là-dessus des preuves de l’arbitraire ministériel. Mais, au moins, on peut dire du ministère de la guerre que l’ordre le plus parfait règne dans toutes les parties de son immense comptabilité ; les règles financières y sont généralement observées, et les crédits reçoivent un emploi conforme au vœu des chambres. La comptabilité de la guerre, grace à une direction persévérante et éclairée, est devenue un modèle à suivre pour tous les états libres, où l’administration, sévèrement contrôlée, doit se mettre en mesure de démontrer sur tous les points son exactitude, son habileté et sa bonne foi. Malheureusement, nous ne pouvons adresser le même éloge au ministère de la marine, qui vient d’essuyer dans la discussion du budget une si violente bourrasque, châtiment mérité des négligences ou des abus dont notre puissance navale a cruellement souffert depuis plusieurs années.

Il était impossible que le budget de la marine ne donnât pas lieu à un grave débat, Déjà les discussions des années antérieures avaient révélé les désordres de ce département. Des réformes avaient été promises ; il fallait en réclamer de nouveau l’accomplissement. Puis, toutes les questions qui touchent la marine ne se rattachent elles pas à la politique extérieure du cabinet ? N’est-ce point là qu’on peut connaître la mesure de sa fermeté vis-à-vis de l’Angleterre ? Nos grandes affaires ne sont point sur le continent. La Méditerranée, l’Océan, sont le théâtre de nos difficultés diplomatiques. Si vous voulez savoir quel rôle le ministère entend jouer sur ce théâtre, regardez ce qui se passe dans les arsenaux de la marine, c’est-à-dire quel est l’emploi des fonds votés par les chambres pour soutenir l’honneur et la puissance du pays. C’est là que se trahissent les secrets de la politique ministérielle.

Une circonstance d’ailleurs venait prêter au débat sur la marine un nouvel intérêt. Dans une discussion récente du parlement anglais, il avait plu à deux membres de l’opposition d’exagérer ridiculement les forces maritimes de la France, pour accuser sir Robert Peel d’imprévoyance, et lui imputer le tort de négliger la défense des côtes britanniques. Sir Robert Peel n’a pas répondu. Il s’est retranché dans le silence commandé par la raison d’état. Tout le monde sait, en France, ce que signifie cette tactique. Mieux que personne, sir Robert Peel connaît l’état réel de nos forces navales, et il pourrait, d’un seul mot, rassurer l’opposition anglaise, si tant est qu’elle ait besoin d’être rassurée ; mais il aime mieux accréditer par son silence les attaques dirigées