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contre les prétendus développemens de notre marine, car ces attaques sont un argument utile à ses négociations avec la France. En cela, l’opposition anglaise et le cabinet britannique sont peut-être complices d’une même fraude ; ils jouent une comédie concertée à nos dépens. Aussi, ce qu’il y avait de mieux à faire, chez nous, au sujet des discours du commodore Napier et de lord Palmerston, c’était de n’en point parler. Malheureusement la discrétion n’est point la vertu habituelle de notre ministère et de ses journaux. Humble dans ses actes, le cabinet du 29 octobre n’est pas toujours modeste dans son langage. Il aime à se vanter des succès qu’il n’a pas. La presse ministérielle a donc invoqué comme un argument sérieux les exagérations du parlement anglais sur l’accroissement de notre puissance navale, et la politique de M. Guizot a passé, pendant plusieurs jours, pour un système profondément calculé, qui trompe sir Robert Peel sous le voile d’une amitié empressée, et qui augmente silencieusement les forces maritimes de la France. Il était temps, pour nous sauver du ridicule aux yeux de l’Angleterre, que la discussion du budget de la marine vînt dissiper ces vaines fumées.

Hélas ! quand l’opposition répète sans cesse que notre marine s’affaiblit, que le dépérissement de la flotte va toujours croissant, malgré les sacrifices votés par les chambres, tout cela n’est que trop vrai. Écoutez M. Rihouet, qui est un ami du ministère, et qui a fait partie de la commission nommée il y a deux ans pour proposer les bases d’une réforme dans l’administration des ports ; écoutez M. Bignon et tous les membres de la commission du budget, choisis dans les rangs conservateurs : ils vous diront que chaque année la situation de notre marine s’aggrave. Le matériel naval s’appauvrit. Les approvisionnemens sont au-dessous des besoins de la flotte. Les constructions languissent. Pendant que les anciens navires pourrissent de vétusté, les nouveaux demeurent sur les chantiers. Les ordonnances qui ont réglé la situation normale du pied de paix ne sont pas exécutées, et nous n’avons point de réserve pour parer à un cas de guerre. Cependant le budget de la marine s’élève à 120 millions. Les chambres françaises, interprètes du vœu national, votent tous les ans de nouveaux crédits. Quelquefois même elles votent des fonds que le ministère ne demande pas. Vains efforts ! L’état de notre flotte, au lieu de s’améliorer, présente de jour en jour un caractère plus alarmant, et nous sommes arrivés en 1845 à cette douloureuse situation, qu’avec un budget de 120 millions, notre marine offre moins de ressources qu’en 1825, sous M. de Chabrol, qui n’avait que 62 millions à dépenser ! Le gouvernement sorti de juillet semble moins favorable aux progrès maritimes de la France que le gouvernement de la restauration, issu de nos malheurs et imposé par l’étranger !

À qui faut-il s’en prendre ? À l’administration seule. Les partis extrêmes accusent les tendances du gouvernement ; on lui attribue un plan systématique, qui serait une trahison. Sans aller si loin, nous dirons avec conviction que cet affaiblissement de notre marine militaire a pour cause une incapacité ou une négligence coupable. Qu’on relise la Note de M. le prince