Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/195

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

montrer à l’Angleterre un tableau qui la fera sourire ; mais c’est le seul moyen d’arrêter le gouvernement de la France dans une voie funeste. Si les intentions de nos ministres sont bonnes, l’amendement de la chambre sera une force pour eux. M. de Mackau y trouvera l’appui nécessaire pour vaincre les préjugés aveugles qui l’entourent. L’amendement de M. Lacrosse est un service rendu au pays. La France veut une marine. Les chambres prodiguent les fonds pour l’établissement et l’entretien d’une flotte qui réponde à l’importance de notre rôle dans les affaires du monde. Il faut que le vœu des chambres soit rempli. Une politique faible, imprévoyante ou inhabile, qui négligerait les intérêts de notre marine, laisserait à ses successeurs des difficultés et des périls qui entraveraient plus tard la marche d’une politique nationale ; il faut empêcher que l’avenir de la France soit engagé.

On a reproché à M. Billault d’avoir rappelé au gouvernement, dans cette discussion, la nécessité d’étudier et de préparer les forces agressives de la France. Ce reproche est puéril. Dans tout examen des forces militaires d’un pays, il faut admettre le cas de guerre, et, en cas de guerre, on ne doit pas sans doute se borner à se défendre. Une nation prudente doit toujours être en mesure de frapper ses adversaires en transportant chez eux le fléau qu’ils ont amené chez elle. Ce raisonnement tombe sous le sens. Il faut être bien aveuglé par l’entente cordiale pour ne pas le comprendre, et pour découvrir une énormité politique dans les paroles très sages de l’honorable M. Billault.

Au budget de la marine se rattachait naturellement la question des établissemens de l’Océanie. Que veut le ministère ? quel rôle jouons-nous dans ces parages, où l’on voit l’influence anglaise triompher devant le pavillon du protectorat, et un amiral français poursuivre d’île en île une reine sauvage, en la suppliant vainement de reprendre le pouvoir que la France lui a rendu ? Quand finira cette comédie, dont le dénouement peut devenir tragique ? Jusqu’où ira la patience de notre gouvernement ? À entendre M. le ministre de l’intérieur, notre gouvernement est parfaitement tranquille, et la question de Taïti ne trouble personne, si ce n’est M. Léon de Maleville et M. Billault. Nous félicitons M. Duchâtel de sa sécurité. On oublie vite en France ; mais il n’y a pas de mémoire plus oublieuse que celle de nos ministres, surtout quand il s’agit des fautes qu’ils ont commises.

Le crédit demandé pour l’établissement d’une division navale sur la côte occidentale d’Afrique a été voté par la chambre à l’unanimité moins une voix. L’examen de la convention du 29 mai a été réservé d’un commun accord. Cependant quelques paroles de M. Dupin ont fourni à M. le ministre des affaires étrangères l’occasion d’expliquer les clauses de l’article 8. D’après le commentaire de M. Guizot, cet article placerait la France vis-à-vis de l’Angleterre dans la même position que les États-Unis. Les deux situations seraient identiques. La France ne reconnaîtrait pas comme un droit la visite sur ses navires pour constater la nationalité du pavillon ; ce serait un acte que l’Angleterre serait libre d’accomplir à ses risques et périls ; en cas d’erreur, il y aurait lieu à indemnité. Nous craignons que les instructions don-