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nées aux croiseurs par les deux gouvernemens de France et d’Angleterre n’aient pas un sens aussi précis. On verra du reste comment les choses se passeront dans la pratique. M. le ministre des affaires étrangères a donné des éclaircissemens sur un autre point. On se demandait pourquoi le traité n’avait désigné que la côte occidentale d’Afrique. La côte orientale était-elle donc exceptée ? La surveillance devait-elle être inégalement partagée entre les deux nations ? M. Guizot a déclaré que cette inégalité n’existait pas. Si la convention du 29 mai a désigné expressément la côte occidentale, c’est qu’elle a voulu déterminer le nombre des croiseurs que la France serait tenue d’y employer : quant à la côte orientale, la France pourra y envoyer autant de croiseurs qu’elle voudra. Ces explications sommaires ont satisfait la chambre, qui n’a pas voulu d’ailleurs prolonger ce débat, ajournant à la session prochaine l’examen des questions qu’on ne peut essayer de résoudre sans une expérience de plusieurs mois.

Avant de clore la discussion du budget, la chambre a décidé, par un amendement, que toutes les nominations faites dans la Légion-d’Honneur seraient insérées au Moniteur. Cette mesure est bonne en elle-même. Fallait-il l’introduire dans le budget ? C’est autre chose. À notre avis, la loi du budget ne doit contenir que les dispositions qui s’y rattachent réellement. Y joindre des dispositions étrangères, qui n’ont aucun rapport direct avec les dépenses de l’état, c’est sortir de la limite tracée par la constitution, et entraver la liberté de la chambre des pairs, qu’on peut mettre ainsi dans l’alternative ou d’adopter une mesure que sa conscience repousserait, ou d’amender le budget, ce qui, vu l’époque de la session et le départ précipité de la chambre élective, deviendrait un grave embarras pour le gouvernement. M. le ministre des finances et M. le garde-des-sceaux ont soutenu ces principes ; nous les approuvons. Le penchant de la chambre à insérer dans le budget des articles additionnels qui n’ont rien de commun avec la loi de finances nous semble un danger grave. On ne sait guère jusqu’où pourrait mener une pareille voie. Néanmoins la chambre, en cela, n’est peut-être point la plus coupable. D’où sont venues, cette année, les plus fortes atteintes qu’ait reçues la dignité de la pairie ? Qui a le moins ménagé ses susceptibilités ? N’est-ce point le ministère ? On doit le reconnaître, il a commencé par donner l’exemple, et la chambre l’a suivi.

Une coalition d’ouvriers a fixé pendant ces derniers jours l’attention de la capitale. Les ouvriers charpentiers ont abandonné leurs travaux, en demandant que le prix de la journée fût porté de quatre à cinq francs. Leur absence se prolongeant, l’administration a pris le parti d’envoyer des soldats dans les ateliers de charpente pour travailler au compte des entrepreneurs. Cette mesure a soulevé de vives attaques à la tribune et dans la presse. Nous pensons en effet qu’elle offre des dangers ; elle peut amener des collisions entre l’armée et les classes ouvrières. Le gouvernement, en l’appliquant, assume donc sur lui une grande responsabilité. Mais que faire ? faut-il abandonner une foule de métiers à la merci d’une classe d’ouvriers, dont les résis-