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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/197

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tances sont entretenues par une minorité violente ? faut-il que plusieurs industries soient sacrifiées à l’arbitraire d’une seule, qui met sur elles son interdit ? Parce que les ouvriers charpentiers exigent une augmentation de salaire, faudra-t-il condamner à mourir de faim tous les ouvriers employés dans les travaux où le concours des charpentiers est nécessaire ? Évidemment l’envoi des soldats dans les ateliers pour y neutraliser les mauvais effets des coalitions est une mesure dont l’emploi peut être justifié par les circonstances. M. Duchâtel l’a parfaitement démontré. Du reste, le gouvernement de 1830 ne peut être soupçonné de dureté envers les classes ouvrières. Il a déjà beaucoup fait pour elles ; il continuera de les protéger dans la limite des lois et des principes de notre constitution sociale. On demande des réformes, on voudrait que le pouvoir intervînt dans la fixation des salaires ; ce serait un élément de désordre et d’injustice. D’autres esprits, plus sages, réclament le développement des institutions capables d’établir des relations bienveillantes entre les maîtres et les ouvriers, et de prévenir ou de pacifier leurs différends sans le secours des tribunaux ordinaires. L’institution des prud’hommes a produit d’excellens effets dans les villes où elle a été introduite. Le gouvernement, en la généralisant, aurait une arme puissante contre les coalitions.

Nous ne suivrons pas la chambre des députés dans les mille débats d’intérêt industriel ou d’intérêt local qui ont été soulevés pendant cette quinzaine. Nous ne dirons pas combien de fois l’ordre du jour a été changé, et au milieu de quels tumultes, excités par le conflit des espérances ou des passions rivales. Nous n’aimons pas à considérer la chambre sous cet aspect, qui lui ôte parfois le caractère d’une assemblée politique. Reportons-nous de préférence aux débats plus graves qui ont signalé cette session ; et puisqu’elle va finir, voyons en peu de mots quel jugement il est permis de porter sur la conduite de la chambre vis-à-vis du cabinet.

Au début de la session, la chambre pouvait changer la face des affaires. Le parti conservateur avait une belle occasion de raffermir le gouvernement de la France en le confiant à des mains plus sûres et désignées par l’opinion. De nombreux rapprochemens s’étaient opérés entre les deux centres, les élémens d’une majorité puissante étaient formés, tout conspirait contre la durée d’un ministère que les fautes récentes de sa diplomatie avaient gravement compromis. Cependant le ministère n’a pas été renversé. Le parti conservateur aurait voulu sa chute, mais il n’a pas osé le frapper lui-même. Une vingtaine de membres, en s’abstenant de voter dans la discussion de l’adresse, ont sauvé malgré eux le cabinet.

Nous le disons à regret, nous pensons que le parti conservateur a commis une faute. Il a manqué de prévoyance et de décision. Ou il approuvait le ministère, et alors il devait le soutenir énergiquement ; ou il blâmait sa marche, et dans ce cas pourquoi lui avoir laissé une existence précaire, humiliée, chétive, nuisible à tous les intérêts légitimes que le pouvoir doit protéger ? Tout le monde comprendra que la réunion Lemardelay, c’est-à-dire le parti