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d’autres complètement remaniés, sans compter une foule de propositions adoptées malgré la résistance avouée ou secrète du cabinet. Nous avons entendu des interpellations sur des points qui concernaient exclusivement le pouvoir exécutif. L’initiative politique et administrative a été enlevée au ministère ; le gouvernement est descendu dans la chambre, et les feuilles ministérielles, admirant cette situation, ont célébré M. Guizot comme l’inventeur de la grande politique, et comme le chef du plus glorieux des cabinets.

Le ministère du 29 octobre a inventé en effet quelque chose ; il a découvert le secret d’immobiliser les portefeuilles. On avait cru jusqu’ici qu’il fallait avoir la majorité pour gouverner ; cela n’est pas nécessaire. La majorité refuse-t-elle de marcher avec vous ? eh bien ! marchez avec elle ; vos opinions ne lui plaisent pas ? prenez les siennes ; elle repousse vos projets de loi ? sacrifiez-les de bonne grace ; faites ce que la chambre veut, et non pas ce que vous voulez ; mettez vos portefeuilles dans sa main : de la sorte, l’harmonie ne sera jamais troublée entre la chambre et vous, et nous n’aurons plus à redouter les questions de cabinet. Admirable système qui met en plein jour la grandeur d’aine et le désintéressement de nos hommes d’état !

On veut que le ministère du 29 octobre soit un grand ministère. De bonne foi, que représente-t-il ? quels sont les grands actes qui lui appartiennent ? quelle est cette politique glorieuse qui mérite la reconnaissance du pays ? Pour avoir signé le traité du Maroc et l’indemnité Pritchard, a-t-on mérité les honneurs du Capitole ? On a obtenu, dites-vous, la suppression du droit de visite ; oui, mais à contre-cœur et sous l’empire d’une volonté devant laquelle il a fallu plier. Que dira l’histoire ? Que M. Guizot était partisan outré du droit de visite, qu’il a signé une convention pour l’extension de ce droit, que les chambres ont repoussé cette convention, qu’elles ont exigé de plus l’abolition des traités de 1831 et 1833, et que M. Guizot a obéi ? Voilà l’exacte vérité. Quelle gloire peut en rejaillir sur la renommée de M. Guizot ? Le ministère, dit-on, a été un négociateur habile ; lui seul pouvait obtenir de l’Angleterre cette concession. La politique de M. Guizot est comme la lance d’Achille, elle seule peut guérir les maux qu’elle fait. A cela, nous ferons une réponse bien simple, c’est qu’il aurait mieux valu suivre une politique prudente et raisonnable que de créer des difficultés pour se donner le plaisir de les résoudre. L’opposition, si elle avait tenu le pouvoir, aurait eu un grand avantage sur M. Guizot dans l’affaire du droit de visite, comme dans celle de l’Océanie : c’est qu’elle n’aurait pas imaginé de signer la convention de 1841, ni de planter le drapeau français sur les rochers stériles de Taïti. Qu’on cherche donc, pour immortaliser M. Guizot, d’autres actes que l’abolition du droit de visite, concédée aux chambres, ou l’indemnité Pritchard, concédée aux exigences de l’Angleterre, ou le traité du Maroc, déchiré par Ahderraman, le lendemain de nos victoires et sans respect pour la signature de la France. Le ministère nous a-t-il donné les fortifications et la loi de régence ? Les fortifications, c’est la pensée de M. Thiers qui les a inspirées ; la