Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/209

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

contre les étrangers profanateurs. Cinquante Castillans montent au sommet de la pyramide, arrachent les idoles de bois, les font rouler sur le parvis et en font un feu de joie. À ce spectacle, le ciel se tait, au grand étonnement des naturels. Le sanctuaire est purifié ensuite : on y dresse un autel et on y conduit processionnellement une image de la Vierge entourée de fleurs. Plusieurs des prêtres des dieux sanguinaires des Mexicains se joignent au cortége, en robe blanche. Le père Olmedo célèbre la messe et adresse à son auditoire une exhortation qui arrache des pleurs à tous les assistans. Cortez a satisfait au cri de sa conscience et il s’est assuré la fidélité des gens de Cempoalla. Sa confiance est doublée. Il part de Cempoalla pour s’avancer vers Mexico, malgré la défense de Montezuma. Il emmène avec lui 400 fantassins, 15 cavaliers, 7 pièces d’artillerie ; le reste de la troupe demeure à la Vera-Cruz, sous le commandement d’Escalante qui lui est dévoué, comme dans un poste d’observation sur la mer. 1,300 guerriers totonaques que d’autres grossiront bientôt, et 1,000 tamanes ou porteurs chargés du bagage, se joignent à lui.

D’après le conseil des gens de Cempoalla, on se dirige par le pays de Tiascala, peuplé d’une nation qui avait, dans ses montagnes, maintenu son indépendance contre le puissant Montezuma, de même que les Suisses, après avoir secoué le joug, avaient été, dans leurs défilés, au milieu de leurs rochers, invincibles pour l’empereur d’Allemagne, héritier des Césars. Les Tlascaltèques étaient de même origine que les Aztèques, ils parlaient un dialecte de la même langue et avaient les mêmes habitudes, les mêmes usages, avec moins de raffinement et de culture, et notamment les mêmes sacrifices sanglans ; malgré tous ces traits de ressemblance, ils détestaient les Aztèques d’une haine féroce ; c’étaient les frères ennemis. Cortez, en marchant à eux, était guidé par l’espoir de s’en faire des auxiliaires contre l’empire mexicain, mais il n’avait pas songé à la fierté de ces montagnards. Ils refusaient de se soumettre à Montezuma, parce qu’ils voulaient être les maîtres chez eux. Quelle chance y avait-il qu’ils acceptassent une suzeraineté inconnue ?

Ici commence pour Cortez la guerre de la conquête. Jusqu’alors il avait trouvé sur son chemin des obstacles à arrêter, l’un après l’autre, vingt chefs ordinaires. C’était le gouverneur Velasquez, dont il était la créature, malgré lequel il avait fallu audacieusement partir, s’approvisionner, se recruter ; c’étaient, dans sa petite troupe, les partisans de Velasquez qu’il avait fallu intimider ou séduire, afin que leur glaive ne brisât pas le fil de l’intrigue de la Vera-Cruz, à la faveur de