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laquelle il s’était dégagé de toute dépendance vis-à-vis du gouverneur de Cuba. Il avait eu à plier à l’obéissance des gens indisciplinés, ramassés de toutes parts ; ensuite des complots à déjouer, car le mécontentement de ces aventuriers, auxquels on voulait mettre un frein, avait engendré plus d’une conspiration. Il avait eu à obtenir d’eux qu’ils abandonnassent au souverain, sans s’en rien réserver, tous les présens de Montezuma qui étaient dûment leur propriété ; il leur avait demandé ce sacrifice, comptant que la vue de tant d’or et d’argent lui concilierait la cour, ferait accepter la comédie jouée par la municipalité de la Vera-Cruz et éconduire les émissaires de Velasquez. Enfin, il avait eu à contenir les murmures qui avaient fait explosion à la nouvelle de l’incendie de la flotte qui les séparait de leurs amis, et les laissait, eux, une poignée d’hommes, à la merci d’ennemis valeureux et innombrables. Je ne parle pas des batailles qu’on avait dû gagner contre les habitans de Tabasco. Avec un esprit fécond en expédiens, une rare dextérité, une forte dose de cette résolution qui est communicative ; avec une grande circonspection dans l’audace même, et en s’aidant de l’expérience qu’il avait acquise, tout jeune encore, au milieu d’une vie agitée, Cortez avait pu sortir de tous ces embarras ; c’était affaire de ressources intellectuelles et de force morale. Maintenant, pour soumettre les armes à la main ces vaillans Tlascaltèques qui refusent de l’accueillir ou de lui livrer passage, c’est de la force matérielle qu’il faut. Comment faire ? Rien ne leur est plus facile que de mettre en ligne cinquante mille guerriers déjà éprouvés ; ils les ont tout prêts ; leurs défilés sont aisés à garder ; leur sol est couvert de bois où l’on peut organiser des embuscades. Les lieux et le nombre sont pour eux. Cortez, avons-nous dit, a quatre cents hommes, quinze chevaux et sept petites pièces d’artillerie. Il y avait pu joindre, lorsqu’il entra sur le territoire des Tlascaltèques, trois mille guerriers indigènes.

Les Tlascaltèques sont commandés par le jeune Xicotencatl, non moins rusé qu’intrépide. On livre un premier combat où Cortez demeure vainqueur avec la perte sensible de deux de ses quinze chevaux. Quelques jours après, c’est une affaire plus sérieuse : on se bat toute la journée ; l’artillerie, les chevaux et les lances de bon acier de Tolède font merveille ; Xicotencatl est forcé d’abandonner le champ de bataille, mais il se retire en bon ordre. Cortez, dont la petite armée compte plusieurs blessés, envoie proposer la paix. Xicotencatl, à la tête de ses troupes, répond que le chemin de Tlascala ne sera ouvert aux Espagnols que pour qu’ils aillent à la pierre du sacrifice, et que s’ils restaient dans leur camp, on irait les y prendre.