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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/212

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Xicotencatl est déconcerté, consterné. Ces étrangers extraordinaires savent donc lire dans sa pensée ! Il se met enfin à désespérer de triompher des Espagnols, soit par la force ouverte, soit par la ruse, et se convertit à la paix. Il vient lui-même en donner l’assurance. A peu de jours de là, on part en bonne harmonie, tous ensemble, pour Tlascala, où Cortez est reçu dans le palais du père de Xicotencatl, et l’union achève de se cimenter.

Ce n’est pas précisément la bravoure virtuelle qui donna aux Espagnols la victoire sur les Tlascaltèques. L’un des compagnons de Cortez, affirme que rien n’était plus brave que ces Indiens ; il en a vu qui seuls se défendaient contre deux cavaliers, contre trois, contre quatre. La supériorité des armures, la poudre à canon, une discipline admirable, une incomparable vigilance, une tactique supérieure et le génie de Cortez décidèrent le succès. Les chevaux, sortes de monstres ailés, dont la vue troublait les guerriers tlascaltèques les plus déterminés, plus encore que les éléphans de Pyrrhus les Romains, y furent pour une bonne part. Cortez avait singulièrement façonné ses hommes. Il avait fait passer en eux sa prodigieuse présence d’esprit et avait trempé leurs corps par toutes les épreuves. La volonté persévérante d’un bon général opère comme le bain du Styx. Par un effet de leur tempérament, les Espagnols, quand un grand sentiment les anime, ont des qualités militaires qu’on chercherait vainement ailleurs. L’Anglais est assurément très brave, mais une armée anglaise qui n’a pas un certain bien-être, de la viande, du thé, est démoralisée et perdue. L’Espagnol peut se passer de tout, de boire, de manger, de dormir, supporter le froid et le chaud, et faire, l’estomac vide, des marches incroyables. Les soldats de Cortez eurent lieu de déployer toutes ces ressources qu’ils avaient dans le sang. Je crois cependant que rien ne les soutint au même degré que la conviction où ils étaient du triomphe nécessaire, infaillible, de la croix par leurs mains. Depuis l’expulsion des Maures, ils étaient persuadés que des infidèles ne pouvaient leur résister. C’est ce que répond Marina à un chef des Cempoallans qui, dans une des batailles contre les Tlascaltèques, croit que c’en est fait de lui et des siens, et Cortez, dans ses discours à ses compagnons, lorsqu’ils lui remontrent les difficultés dont ils sont entourés, revient toujours à leur dire qu’ils ont la bannière de la croix et que cela doit leur suffire.

Mais cette foi robuste, indomptable, qui donne à Cortez tant de puissance et lui vaut de pareils succès, lui crée aussi des périls, le pousse vers des écueils. Une fois à Tlascala, il se demande s’il peut tolérer auprès de lui le culte des faux dieux. Ses nouveaux amis, ses