Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/213

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

alliés, dont il ne peut se passer pour son entreprise contre Montezuma, sont idolâtres ; ils égorgent des victimes humaines et les mangent avec grand apparat. Ces atrocités sacrilèges continueront-elles d’avoir leur cours, et la croix aura-t-elle traversé l’état de Tlascala sans le purifier de cette souillure ? Le père Olmedo, heureusement, modère le héros. « Il faut faire chaque chose en son temps, lui dit-il ; attendons l’occasion. » Et, en effet, l’occasion se présente bientôt. Voici que les chefs tlascaltèques proposent à Cortez et à ses officiers leurs filles pour épouses. Cortez leur répond que c’est impraticable, à moins que Tlascala ne se convertisse. Il leur explique la différence de leur religion avec la sienne, leur déclare qu’ils sont voués à la perdition éternelle, s’ils ne secouent leurs ténèbres. Une controverse s’engage ; les sénateurs tlascaltèques allèguent, suivant une formule qu’on retrouve souvent dans la bouche des Indiens, que chacun, étant content de ses dieux, doit les garder ; qu’eux, vieillards de la nation, ils n’abjureront jamais le culte des divinités qui avaient protégé leurs jeunes ans ; que cette abjuration attirerait sur l’état la colère du ciel et soulèverait les populations, qui ne voulaient se départir de leurs croyances pas plus que de leurs libertés, et répandraient la dernière goutte de leur sang pour les unes comme pour les autres.

Après la conférence, Cortez, dont le caractère s’accommode mal des obstacles, ressent des mouvemens d’irritation et penche à s’y livrer : le père Olmedo lui renouvelle ses observations et ses prières pour qu’il temporise. « Patience ; à quoi bon violenter la conscience de ces peuples ? Les conversions forcées ne valent rien. Quand vous aurez renversé les autels, en supposant que vous le puissiez, les idoles resteront dans les cœurs. Agissons par la persuasion ; l’œuvre, si elle est plus lente, sera plus sûre. » Alvarado et Velasquez de Léon joignent leurs instances à celles du moine charitable et bien avisé. Cortez condescend au principe de la tolérance religieuse. Les Espagnols pratiqueront leur religion publiquement, mais aucune contrainte ne sera exercée sur les habitans pour les y amener. Une grande croix est plantée dans un des carrefours de Tlascala. Elle surmonte un autel, où chaque jour la messe est célébrée. Cinq ou six jeunes filles des premières familles de la république sont baptisées et se marient à des officiers espagnols. L’une d’elles était la fille du vieux Xicotencatl, la sœur du jeune général qui avait défendu le sol de la patrie avec tant de courage et de persévérance. Elle devint la femme d’Alvarado, pour qui les Tlascaltèques ressentaient une admiration profonde, et qui, à cause de ses manières ouvertes et démonstratives, de ses allures hardies, de ses