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bien au-delà, si l’on voulait rechercher tous les dîners périodiques un peu célèbres, égayés de chant, de même que, dans l’histoire de notre théâtre, on remonte bien au-delà de l’établissement des Confrères de la Passion. Il y avait les dîners du Temple, où Chaulieu, l’abbé Courtin et autres libres commensaux des Vendôme, célébraient Lisette, la paresse et le vin. Il y eut ces gais dîners de la jeunesse de Boileau et de Racine, où faisaient assaut La Fontaine et Molière : Chapelle n’y laissait pas dormir le refrain. On entrevoit plus anciennement les dîners ou soupers de la Satire Ménippée, où de malicieux couplets durent se chanter, à la sourdine la veille de l’entrée d’Henri IV, et à gorge déployée le lendemain. Marot, dans sa jeunesse, était le meneur et l’ame de cette société des Enfans sans souci, folle bande directement organisée pour le vaudeville et les chansons ; mais c’est à partir de 1733 qu’on peut suivre presque sans interruption la série des dîners joyeux, et qu’on possède les annales à peu près complètes de la gastronomie en belle humeur. L’ancien Caveau, dont les réunions se tenaient au carrefour Bussy, chez le restaurateur Landelle, dura dix années et plus. Les dîners qui eurent lieu ensuite chez le fermier-général Pelletier, et qui, à partir de 1759, rattachèrent plusieurs des précédens convives, eurent l’air un moment de vouloir remplacer le centre qu’on avait perdu ; pourtant on ne s’y sentait pas assez entre soi, pas assez au cabaret. Bon nombre des membres dispersés de l’ancien caveau, aidés de fraîches recrues qu’ils s’adjoignirent, reformèrent un Caveau véritable, qui paraît avoir duré jusqu’après 1775. Il y eut là un nouvel intervalle comblé par d’autres fondations intérimaires, que Laujon a touchées en passant. Mais c’est au lendemain de la Terreur qu’il se fit une véritable restauration de la gaieté en France. Dans un dîner du 2 fructidor an IV (1796), dix-sept gens d’esprit dont on a les noms, et parmi lesquels on distingue les deux Ségur, Deschamps, père des poètes Deschamps d’aujourd’hui, Piis, Radet, Barré, Després, etc., posèrent entre eux les bases d’un projet de réunion mensuelle, qu’ils rédigèrent le mois suivant en couplets ; c’était l’ère des constitutions nouvelles et des décrets de toutes sortes, on ne manqua pas ici d’en parodier la formule :

En joyeuse société,
Quelques amis du Vaudeville