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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/220

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pendant le long espace de temps que j’ai passé sur le trône, j’attends de vous que vous me donniez cette dernière preuve de soumission. Vous reconnaîtrez pour votre maître le grand prince qui règne de l’autre côté de l’Océan ; en son absence, vous obéirez au capitaine qu’il a envoyé parmi nous. Les tributs que vous m’apportiez, vous les lui paierez ; les services que vous me rendiez, c’est à lui maintenant d’en disposer. » A ces mots, l’émotion et les sanglots étouffent ses paroles, et l’illustre assistance, à son exemple, ne peut retenir ses larmes ; chacun lui répond que, puisque tels sont ses ordres, il sera obéi. Immédiatement après, le serment de fidélité est prêté. Acte en est dressé par un notaire royal de la cour d’Espagne. Des Espagnols partent, à titre de collecteurs d’impôts, pour recueillir le tribut des différentes provinces de l’empire. Déjà Cortez s’était occupé de fonder des établissemens dans le pays, et avait détaché cent cinquante hommes sous le commandement de Velasquez de Léon, pour aller installer une colonie bien loin, à l’embouchure du Guazacoalco, où se trouve le meilleur port de tout le golfe du Mexique, et où Cortez espérait découvrir ce qu’il nomme le secret du détroit, c’est-à-dire un passage naturel de l’Océan Atlantique à l’Océan Pacifique. Ainsi tout est fini, et le rêve de Cortez en six mois est devenu une réalité.

Mais non ; c’est à peine si rien est commencé. L’ardeur religieuse de Cortez, long-temps contenue, va faire explosion, et il y aura des tourmentes auprès desquelles les luttes contre les Tlascaltèques et leur général Xicotencatl ne seront plus que des jeux d’enfans. Dès le premier jour où il a pu s’entretenir avec Montezuma, Cortez lui a parlé de se convertir. Il lui a fait un exposé des croyances chrétiennes sur l’origine du monde, a déployé toutes ses connaissances théologiques, lui a certifié qu’il adorait Satan, et que cette abominable idolâtrie le conduirait à une damnation éternelle. Il l’a conjuré de sauver son ame et de faire le salut de son peuple en passant au culte pur enseigné par le Christ et en s’inclinant devant la croix, signe de la rédemption opérée au prix du sang d’un Dieu de bonté. Montezuma a répondu qu’il ne doutait pas que le dieu des Espagnols ne fût un grand dieu, qu’il avait sur la création une croyance assez semblable à celle qui venait de lui être indiquée, mais que ses dieux à lui-même étaient de puissans dieux pareillement, qu’ils avaient fait la grandeur des Aztèques, et qu’ainsi il leur resterait fidèle. Peu de jours après, visitant en compagnie de l’empereur le grand temple où étaient réunis les sanctuaires de tous les dieux, Cortez, à la vue du sang humain qui les souillait,