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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/221

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avait apostrophé son impérial interlocuteur en ces termes : « Comment un prince aussi glorieux et aussi sage que vous l’êtes peut-il adorer ces idoles, représentation de Satan ? Ah ! si vous nous permettiez d’ériger ici la croix, d’y placer les images de la Vierge et de son divin fils, vous verriez ce que deviendraient ces dieux abominables. » Ces dieux, avait dit Montezuma, sont ceux qui ont conduit les Aztèques à la victoire depuis l’origine de la nation ; ils nous envoient le temps des semailles et celui de la moisson, et si j’avais pu m’attendre à ce que vous leur manquiez ainsi de respect, je ne vous aurais point admis en leur présence. » Cette scène se passait avant la captivité de Montezuma. Le père Olmedo, intervenant aussitôt, avait calmé Cortez, et bientôt des soucis temporels avaient distrait l’attention du grand capitaine ; mais du moment où Montezuma a fait solennellement sa soumission à Charles-Quint, le zèle religieux de Cortez se réveille plus impétueux. S’il a travaillé pour la couronne de Castille, qu’a-t-il fait pour la foi ? Sera-t-il dit que maintenant, dans cette capitale qui reconnaît pour maître sa Majesté Catholique, les sacrifices humains poursuivront impunément leur cours ?

Suivi de ses principaux officiers, Cortez entre dans l’appartement de Montezuma et lui demande de faire remettre aux Espagnols, pour l’exercice de leur culte, la vaste enceinte du grand temple, afin qu’on puisse inviter le peuple entier à participer aux bienfaits de la religion du Christ. « Mais, Malintzin, répond l’empereur consterné, vos exigences sont poussées si loin que le courroux de nos dieux va s’enflammer, et mes peuples vont se soulever plutôt que de souffrir la profanation de leur temple. » En effet, la religion d’une nation est, de tous ses biens, celui dont le sacrifice lui est le plus odieux ; tant qu’un peuple a de la foi, la perte de sa religion lui est plus sensible encore que celle de sa nationalité même. A la suite d’une conférence avec les prêtres, Montezuma cependant annonce à Cortez qu’un des deux sanctuaires de la grande pyramide lui est abandonné. On y érige un autel où la croix s’élève ; la messe y est célébrée avec un grand appareil par les pères Olmedo et Diaz ; le sanctuaire attenant demeure consacré au culte sanguinaire du dieu de la guerre, et retentit au même instant des chants des Aztèques indignés.

De ce jour, tout a changé d’aspect à Mexico. Jusqu’alors Montezuma était d’une extrême affabilité envers les Espagnols ; il se plaisait dans la société de quelques-uns d’entre eux, et jouait avec eux en leur laissant toujours des gages de sa munificence. Il devient sombre, il les évite, et