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passe son temps à s’entretenir avec les principaux des guerriers et des prêtres aztèques. La population contient mal son animosité ; sa fierté blessée se fait jour. L’empereur envoie chercher Cortez et lui déclare que les dieux ont fait connaître aux prêtres qu’ils étaient courroucés et demandaient, sous peine des plus grands malheurs pour la ville et l’empire, que les étrangers profanateurs fussent sacrifiés sur leurs autels. « Vous n’avez, dit-il, de chance de salut que dans la retraite ; partez, allez d’où vous êtes venus, vous ne serez saufs qu’à ce prix. » Cortez, avec un grand sang-froid, réplique qu’il ne se refuse pas à quitter le pays, mais qu’auparavant il faut qu’il ait des vaisseaux. On se met donc, à la Vera-Cruz, à construire une flotte sous les ordres de Martin Lopez ; mais, sous main, Cortez a soin que la construction aille lentement. En attendant, tout dans la capitale prend un air de plus en plus lugubre et menaçant. On se prépare, du côté des Mexicains à attaquer, du côté des Espagnols à se défendre. A la première occasion, les glaives vont être tirés.

Tout à coup on apprend qu’une flotte a paru à la Vera-Cruz. Elle est nombreuse, elle est montée par des soldats espagnols. Ils sont neuf cents, dont quatre-vingts cavaliers, autant d’arquebusiers, cent cinquante arbalétriers, avec beaucoup d’artillerie. C’est plus de quatre fois la force de la troupe castillane qui environne Cortez à Mexico. À cette nouvelle, les Espagnols poussent des cris de joie ; ils sont sauvés. Illusion ! c’est le dernier coup qui est porté à Cortez. Cette expédition vient de Cuba, où Velasquez l’a organisée pour qu’elle aille renverser le piédestal que s’est fait Cortez. De la Villa-Rica de la Vera-Cruz, le conquistador avait envoyé en Espagne deux de ses officiers, chargés d’offrir à la cour les somptueux présens qu’il tenait de Montezuma, en leur recommandant bien de ne pas toucher à Cuba. L’un d’eux, qui y avait une plantation, se met en tête de la visiter, malgré ces instructions, et ainsi toute l’île apprend les découvertes inespérées de Cortez, et connaît l’Eldorado qu’il a atteint. La fureur de Velasquez n’a plus de bornes, il épuise toutes ses ressources, afin de composer une armée à laquelle Cortez ne puisse résister, et qui conquière pour lui-même le riche empire mexicain. Telle est l’armée qui vient de débarquer à la Vera-Cruz, sous les ordres de Narvaez, officier d’une bravoure éprouvée.

Cortez a bientôt pris son parti. Avec soixante-dix Espagnols, il sort de Mexico, laissant le commandement au vaillant Alvarado, à qui il recommande la prudence et la modération. En route, il rallie les cent