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cinquante hommes qu’il avait confiés à l’un de ses lieutenans pour aller fonder une colonie sur les bords du Guazacoalco, marche droit sur Narvaez, qui se garde assez mal, trouve le moyen de semer un peu d’or et beaucoup de bonnes paroles dans cette armée, et, par un coup de fortune, fait Narvaez lui-même prisonnier après un combat de nuit où, à la faveur de l’obscurité, il a pu faire accroire qu’il avait de grandes forces. Toute la troupe de Narvaez, émue de ses hauts faits, séduite par son éloquence, enflammée par les dépouilles que promet l’empire mexicain, passe sous ses drapeaux, et Cortez rentre bravement à Mexico, le 24 juin 1520.

Cette fois on dirait que la populeuse cité est déserte. Pas un Aztèque ne se montre pour voir passer le conquistador triomphant ; sur le lac, le long des chaussées, pas une pirogue. C’est qu’aux griefs religieux des Aztèques Alvarado en a ajouté un autre : par une infâme perfidie, il a égorgé la fleur de la jeune noblesse pendant qu’elle célébrait la fête du dieu de la guerre, Huitzilopotchli, probablement afin de s’emparer des ornemens d’or dont s’étaient chargés pour la solennité ces six cents infortunés jeunes gens. Cortez, une fois dans ses quartiers, y est bientôt cerné. Il avait eu la précaution de faire construire deux brigantins sur lesquels il aurait pu s’échapper au travers du lac ; les Aztèques les ont brûlés. Un siège furieux commence contre les Espagnols. Une grêle de flèches et de pierres tombe sur tous les points du palais d’Axayacatl qui leur sert de forteresse. Ils répondent par l’artillerie et la mousqueterie, qui font d’horribles brèches dans les rangs serrés des Mexicains ; mais qu’importe ? les assaillans sont innombrables, et ils ne demandent qu’à mourir, pourvu que dix de leurs vies soient échangées contre la vie d’un fils du Soleil. Cortez fait des sorties où il a l’avantage, cependant il n’en demeure pas moins bloqué. Les terrasses des maisons sont garnies de guerriers, les ponts des canaux qui longent les rues sont levés.

Vous êtes à nous, crient les Aztèques, la pierre du sacrifice est prête, le couteau du sacrificateur est aiguisé. Notre dieu Huitzilopotchli va enfin voir couler devant lui votre sang qu’il attendait. Les bêtes fauves de la ménagerie du palais rugissent de plaisir, parce qu’elles sentent qu’elles vont dévorer votre chair. Nous avons des cages où nous en enfermerons pour les engraisser, afin qu’ils soient dignes d’être sacrifiés, les enfans félons d’Anahuac qui sont dans vos rangs (les Tlascaltéques). » En parlant ainsi, ils combattaient avec tant de bravoure, dit Bernal Diaz, que « plusieurs de nous, qui avaient servi en Italie dans les combats de géans contre les Français, ou dans le Levant contre