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les Turcs, déclaraient n’avoir jamais rien vu qui fût pareil à ces Indiens. » C’est le frère même de Montezuma qui commande le siège, et il est de tous le plus intrépide. Cortez heureusement n’est pas homme à se rebuter ou à perdre courage. Il a un corps de fer et une ame de bronze. Il espère qu’à force de carnage il obligera les Indiens à se soumettre. Il essaie de les effrayer par des machines de guerre à l’aspect formidable, des tours qui marchent chargées de guerriers à couvert. Il tente aussi la voie des négociations, et fait intervenir Montezuma lui-même comme médiateur. Le malheureux empereur paraît en grande pompe sur une terrasse du quartier des Espagnols. A sa vue, la foule, accoutumée à lui obéir, par un premier mouvement s’incline. « Venez-vous pour me délivrer ? dit-il du ton calme d’un homme accoutumé à commander ; mais je ne suis point prisonnier je reste ici de mon plein gré parmi les hommes blancs qui sont mes hôtes. Venez-vous pour les forcer à se retirer ? mais ils se préparent eux-mêmes à partir. » Les termes d’amitié dont Montezuma se sert envers les Espagnols rallument la rage des Aztèques ; du moment où il se dit l’ami de ces étrangers profanateurs, il n’est plus qu’un traître à la patrie et aux dieux. Une décharge de pierres et de flèches est dirigée sur lui. Il est blessé et meurt peu de jours après.

Cette aventure montre à Cortez que les Aztèques ne se soumettront pas. D’un autre côté, ses vivres sont épuisés, et il n’y a plus qu’un parti à prendre : c’est de se frayer à tout prix un passage. Pour sortir de Mexico cependant, il faut passer au travers de longues rues dont les maisons sont converties en citadelles, avec leurs terrasses chargées de projectiles et couvertes de combattans. Après les rues sont les longues chaussées jetées dans le lac, et bordées de guerriers aux aguets dans leurs canots, parmi les roseaux. Pour saisir plus sûrement leur proie, les Mexicains ont dans les rues détruit les ponts, érigé des barricades ; les chaussées de même ont été rompues. Pourtant Cortez, par une marche de nuit, regagne la terre ferme par la chaussée de Tlacopan, la plus courte des trois ; mais quelle nuit ! Dans les récits des conquistadores et dans les annales espagnoles, c’est la nuit fatale (noche triste). Cortez y perdit la moitié de son armée ; tous ceux qui s’étaient embarrassés de butin périrent ou furent pris, ce qui était pire. Toute l’artillerie resta aux Aztèques, à qui heureusement on avait caché la manière de s’en servir et la composition de la poudre. Il fallut une grande bravoure dans la petite troupe espagnole pour atteindre, même au prix de tant de sacrifices, la terre ferme ; les femmes elles-mêmes se distinguèrent les armes à la main.