Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/227

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de jour et de nuit, sur les plates-formes des pyramides, sur les terrasses des maisons, sur la plage boueuse du lac. On emploie la ruse aussi bien que l’audace, et plus d’une fois les embûches de Guatimozin mettent les conquistadores en péril. Déjà, dans la nuit fatale, Cortez avait couru de grands périls. A l’attaque de Xochimilco (le Champ des Fleurs), l’une des villes de la vallée, il est un instant prisonnier. C’en était fait de lui si les Aztèques n’eussent voulu le réserver pour un sacrifice ultrà-solennel. Un Tlascaltèque et deux de ses propres serviteurs le dégagèrent. Le lendemain, on chercha le guerrier de Tlascala pour le récompenser ; mais ce fut en vain, et il demeura accrédité dans l’armée que c’était saint Pierre en personne qui était venu au secours du général sous ce déguisement. Durant le siège même de Mexico, Cortez, à la sollicitation plus que pressante de ses compagnons, qui souffrent des pluies et du manque de vivres, se décide un jour à donner un assaut général. « On nous laisse, disaient les soldats, exposés à toutes les intempéries des saisons, livrés à la famine, pendant qu’un coup de main serait si facile contre ces païens. Est-ce que l’autre jour nous n’avons pas pénétré de vive force jusqu’au cœur de la ville, jusqu’au palais de l’empereur et au temple où Satan est adoré sous le nom de cette infâme idole Huitzilopotchli ? Est-ce que nous n’avons pas su mettre le feu à cet abominable sanctuaire et au palais, et précipiter du haut en bas de la pyramide les prêtres sanguinaires dont ce repaire était peuplé ? Finissons-en par un assaut. — Vous aurez l’assaut, » dit le général, que les murmures ont alarmé. En effet, on convient d’attaquer en deux colonnes. Alvarado commande l’une ; Cortez s’est réservé de diriger l’autre. On s’ébranle après la célébration de la messe. Cortez partage son corps en trois divisions qu’il lance successivement, en recommandant aux chefs la circonspection. Les Aztèques battent en retraite ; les Espagnols, conduits par le trésorier Alderete (dans cette expédition les financiers eux-mêmes étaient des héros), et par Andres de Tapia et le frère d’Alvarado, les pressent vivement. On touche enfin au centre de la ville et on crie victoire. Tout à coup, du sommet d’un teocalli, on entend le cor de Guatimozin. À ce signal, les Indiens fuyards se retournent ; d’autres, qui occupent les maisons, se montrent sur les terrasses ; les rues latérales s’encombrent de guerriers, et il en sort des roseaux du lac à droite et à gauche de la chaussée. Ils se jettent avec furie sur les Espagnols et sur leurs auxiliaires. Le désordre se met dans les rangs, et l’artillerie ne peut plus rien, c’est une mêlée affreuse. Beaucoup d’Espagnols sont pris ou tués ; Cortez, lui-même blessé, est saisi par six hommes aux formes athlétiques, qui,